Les petites entreprises sont plus contrôlées que les grosses
Le 22 octobre, Gérard Filoche (membre du Bureau National du PS, Inspecteur du Travail retraité), Karine Berger (députée PS et membre de la commission des finances) et François Asselin (patron d'une PME menuiserie, ébénisterie et restauration de monuments) sont sur le plateau du grand soir 3, et discutent de la réforme de l'Inspection du Travail, le débat est animé par la journaliste Patricia Loison. Le résultat est un condensé d'approximations et de contre-vérités dont certaines me semblent intéressantes à décrypter.
http://pluzz.francetv.fr/videos/grand_soir_3_,90478212.html
Karine Berger à 27'15 : "je vais donner un exemple très concret (...) l'idée, c'est de spécialiser des gens sur la question des grandes entreprises, parce que, Gérard Filoche sera d'accord avec moi, les risques d'abus sur le code du travail sont beaucoup plus particuliers, beaucoup plus complexes que dans une PME"
Spécialiser des gens sur la question des grandes entreprises? C'est à dire des Inspecteurs du Travail, c'est ça?
Non parce que dans la vraie vie, les Inspecteurs, qui s'occupent des entreprises de plus de 50 salariés, sont déjà les spécialistes des grandes entreprises : ils ont déjà une formation spécialisée à leurs problématiques particulières (notamment la représentation du personnel), et ce sont les Contrôleurs du Travail, qui s'occupent des moins de 50 salariés...
Alors oui, il y a une problématique sur le contrôle des multinationales, mais qui relève de la législation internationale, qui a... tout dérèglementé en matière de délocalisation d'activité, de biens, de services et de capitaux, le problème ne relève pas de l'organisation de l'Inspection du Travail en interne.
Quant au couplet sur les abus qui seraient pires dans les grandes entreprises, madame Berger ne sait manifestement pas de quoi elle parle... Il y a au moins deux problématiques à différencier :
- les questions relevant du respect des droits des travailleurs (paiement des heures, organisation des horaires et des prises de congés, conditions de travail en général, vie des institutions représentatives du personnel...)
- les questions relevant strictement de la sécurité (et hygiène).
Pour les premières : la difficulté de faire respecter les droits des travailleurs est la même partout, peut-être, c'est vrai, plus difficile encore dans les grosses entreprises qui ont des cabinets juridiques (payés fort cher!) pour les aider à contourner la loi.
Pour les questions de sécurité, en revanche, le droit est beaucoup plus difficile à faire appliquer aux petites structures (ayant souvent peu de moyens) qu'aux grandes dans lesquelles les IRP (Institutions Représentatives du Personnel : DP et surtout CHSCT) font pression, entreprises qui sont d'autant plus vigilantes qu'elles sont sensibles à leur image.
Malgré tout, cet argument revient à 31’31 dans la bouche de Karine Berger : «il faut qu’il y ait un contrôle, mais ce contrôle doit être rationnel, moi je connais des PME dans ma circonscription, qui ont, au premier trimestre une inspection du travail, au deuxième trimestre une inspection fiscale, au troisième trimestre une autre inspection etc…»
Prenons un instant pour nous arrêter sur le message
« Il faut qu’il y ait un contrôle, mais ce contrôle doit être rationnel » : l’auditeur déduira donc de ce « mais » que le contrôle actuellement, n’est pas rationnel… merci pour les 2200 agents qui font le boulot au quotidien, le message est sympa.
« je connais des PME dans ma circonscription, qui ont, au premier trimestre une inspection du travail, au deuxième trimestre une inspection fiscale, au troisième trimestre une autre inspection etc » :
Le portefeuille d’un agent contient entre 500 et 2000 entreprises selon les secteurs géographiques, une entreprise (hors chantier de bâtiment, où les contrôles sont plus fréquents) a plus ou moins une chance d’être contrôlée tous les sept ou huit ans, certaines boites n’ont jamais vu la couleur d’un inspecteur du travail (ils sont rouges, grrrr !) et n’en verront jamais, on est loin du harcèlement…
Cependant, il se peut, effectivement, qu’un agent de l’inspection, ayant découvert des pratiques suspectes, transmette l’info aux agents de l’URSSAF ou de la MSA, ou à la BCR (impôts), et oui, il arrive qu’une boite se retrouve avec une cascade de contrôles, si elle n’a rien à se reprocher, mise à part la gène (importante !) occasionnée par le contrôle, elle ne risque rien, mais quand ce genre de signalement a lieu, c'est en général qu'il y a des choses à creuser... Préfererait-on que personne ne se préoccupe du respect de la loi?
Si statistiquement, il y a beaucoup plus de contrôles effectués dans les petites entreprises, cela tient tout simplement au fait qu'il y a beaucoup plus de TPE/PME que de très grosses boites... Cela explique pourquoi il y a deux fois plus de Contrtôleurs que d'Inspecteurs...