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Billet de blog 27 février 2017

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Présidentielle : 2500 ans de campagne

L’affrontement millénaire entre matérialistes et idéalistes n’épargne pas nos élections. En examinant les démarches et, quand ils existent, les programmes des cinq principaux candidats, nous avons le choix entre un matérialisme et quatre idéalismes.

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Je réduis à deux les systèmes des philosophes. Le premier et le plus ancien, est le système du matérialisme ; le second est celui du spiritualisme. 

La Mettrie, L’Homme machine, 1748.

Nous n’avons finalement pas inventé grand chose. Cela fait plus de 2500 ans que nous avons le choix entre deux écoles pour penser et agir, en partant soit de la matière et du hasard, soit d’idées indépendantes de la matière.

Que nous propose-t-on aujourd’hui ?

Le Front National : un programme entièrement construit autour d’une idée, d’un concept. Certains auraient dit une spéculation, ou une pensée magique. La chose tient en quelques mots : le peuple français est ethnique. Deuxième concept, il possède une identité inhérente à son ethnie. Troisième concept, les difficultés de ce peuple ethnique sont entièrement dues à la présence d’étrangers. L’ensemble de la l’analyse du Front National repose alors sur un postulat idéologique déconnecté de la réalité matérielle et historique de la France et du monde.

Les Républicains : si ce parti ne reprend pas entièrement le concept fondamental du Front National, il l’a intégré dans son discours sur l’identité et l’immigration. Leur candidat y ajoute un étonnant retour de la foi comme critère de l’action politique. Cependant, leur concept premier reste la croyance en la main invisible qui régulerait le marché, et nous porterait tous ensemble vers la prospérité. Tout comme la liberté de chacun serait bridée par l’idée d’égalité, l’État doit se désengager pour laisser fonctionner le marché. Dans cette famille, il s’agit également de faire avancer le concept selon laquelle la santé et l’éducation seraient idéalement des services marchands.   

En Marche : la main invisible érigée en totem primitif, auquel chacun doit offrir des sacrifices et, finalement, une confiance totale. La concurrence nous obligera à donner le meilleur de nous-mêmes, et chacun en verra les bénéfices. Même si ces concepts commencent à dater, ils continuent d’exercer une certaine fascination chez ceux qui placent leur aventure personnelle au-dessus de la recherche d’égalité. La différence avec Les Républicains, s’il faut en trouver une, consiste à brouiller le jeu en prêchant de chaque côté de l’échiquier, en utilisant des concepts contradictoires en fonction de la clientèle visée. 

Le Parti Socialiste : les concepts proposés peuvent également s’apparenter à des croyances. On pourrait faire différement avec les mêmes. On pourrait mener une politique avec une majorité de députés opposés à cette politique. L’Europe pourrait se réformer en douceur et à l’intérieur de son cadre actuel. Il faudrait travailler à une défense commune et à un parlement de la zone Euro. Il faudrait admettre que le travail disparaît, et rémunérer tout le monde car beaucoup ne retrouveraient jamais d’emploi. L’OTAN ne poserait pas de problème majeur sur le plan géopolitique. Il y a un autre problème chez le Parti Socialiste, qui ne relève pas de ses propres croyances, mais de la confiance des citoyens : comment les croire ? 

La France Insoumise : que l’on partage ou non ses vues, il s’agit du seul mouvement dont le programme et la campagne sont structurés par la méthode matérialiste. Cela commence par un constat (social, technique, écologique, institutionnel) que l’on retrouve dans le livre-manifeste de Jean-Luc Mélenchon, L’Ère du peuple. Suit alors l’étude des causes de la situation actuelle. Enfin, dans l’Avenir en Commun, des propositions sont faites pour agir sur les causes, et non plus seulement sur leurs conséquences comme prétendait le faire la social-démocratie. La question posée n’est pas “pourquoi ces inégalités, ce danger climatique, cette menace réactionnaire ?”, mais “comment en sommes-nous arrivés là, et comment nous en sortir ?”. On ne pourra donc rien changer sans être conséquent. Toute égalité est chimérique sans action sur le capital, toute évolution est impossible dans le cadre des traîtés européens, tout contrat social est mort-né s’il n’associe pas les citoyens à sa rédaction. Il n’y a pas moins de travail, les richesses ne disparaissent pas, nous ne sommes en aucun cas condamnés à souffrir et disparaître. “Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme”. 

Sortons enfin de la pensée magique, des spéculations creuses, des “idées” inconséquentes et autres concepts fumeux coupés de toute réalité matérielle. Ils ne servent qu’à abrutir et confondre, sans parler des ravages qu’ils provoquent au pouvoir. La force de la France Insoumise est de proposer un chemin collectif : le monde peut et doit être transformé. Il suffit de le vouloir, et de s’y préparer ensemble.

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