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Billet de blog 5 novembre 2012

«Esa/Rose des Vents: Chapitre 1»: Pour une expérience du théâtre

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

EXPOSITION

"Esa / Rose des Vents : Chapitre 1"
Pour une expérience du théâtre

6 au 19 décembre 2012
Vernissage le jeudi 6 décembre de 17h00 à 20H00
Maison du gardien
Esa, site de Tourcoing

Remarques préliminaires sur la pratique de l’enseignement théorique en école d’art

Le métier de professeur en école d’art a ceci de particulier : ses enseignements théoriques constamment évoluent, se renouvèlent d’année en année. Leur contenu, lié à la recherche, s’appuie en partie sur des savoirs et des méthodes acquis dans le domaine de l’histoire et de la théorie des arts, mais ne s’y limite pas. Car encore faut-il que les étudiants auxquels il s’adresse soient concernés par leurs apprentissages. Et ce dont a besoin l’étudiant en école d’art est d’accéder aux recherches et expérimentations déployées sur les scènes professionnelles de la création contemporaine. Il revient donc à l’enseignant de tisser des liens avec les acteurs professionnels agissant à l’intérieur ou à l’extérieur du champ des arts plastiques. Ainsi non seulement l’enseignant enrichit sa propre recherche par de nouvelles contributions mais il offre aux étudiants de nouveaux champs d’expérimentation.

L’Ecole Supérieure d’art du Nord-Pas de Calais, Tourcoing / la Rose des Vents, Villeneuve d’Ascq

Au premier semestre 2012, les étudiants de deuxième année sont amenés à penser les rapports entre les arts plastiques et le théâtre afin qu’ils se saisissent concrètement des concepts d’interdisciplinarité qui définissent l’art à partir du milieu du XXème siècle ; afin qu’ils assimilent les formes que peuvent prendre aujourd’hui les pratiques contemporaines au théâtre. Cet enseignement est réalisé en partenariat avec la Rose des Vents, scène nationale de Lille Métropole, un théâtre qui dans sa définition même met l'accent sur la recherche de nouvelles écritures dramatiques et scéniques, sur l'émergence des formes nouvelles et des jeunes générations d'artistes.

Après quelques discussions préparatoires avec Anna Gerecht, chargée des publics à la Rose des Vents, il nous a paru évident qu’il ne s’agirait pas seulement pour les étudiants d’assister à des spectacles. Il leur serait proposé de réaliser une production plastique à partir de ce qu’ils avaient vu, afin de donner corps aux propos historiques de John Cage : « Le théâtre réside dans l’esprit du spectateur ; je m’efforce de faire prendre conscience aux gens qu’ils font eux-mêmes leur propre expérience et que celle-ci ne leur est pas imposée. »[1]

Il leur est donc demandé de faire de leur propre expérience du théâtre, une expérience plastique qui sera présentée dans les espaces de la Maison du gardien de l’école d’art de Tourcoing. Il s’agit de conduire les étudiants à s’approprier autrement le théâtre contemporain par l’intermédiaire d’un travail plastique qui pourra prendre diverses formes : récit, pièce sonore, photographie, dessin, vidéo, peinture, gravure, installation, etc., autant de méthodes et de techniques pour que la pièce de théâtre arrive à leur conscience.

Mais peut-on en tant que plasticien faire la représentation d’une représentation ? Oui, leur répondons-nous, et c’est à vous d’y répondre. Face au théâtre contemporain et à sa restitution dans une forme plastique, vous, spectateur actifs et émancipés, devez ouvrir au maximum le champ des interrogations pour mettre en œuvre votre propre perception.

Voici - mais cela ne saurait être exhaustif -, quelques-unes des questions susceptibles d’émerger à votre conscience au regard de la pièce : devez-vous vous saisir d’un fragment du spectacle ou tenter de l’englober dans son ensemble ? Est-il possible de vous fixer sur un de vos sens, la dimension auditive par exemple, en fermant les yeux pour ne plus qu’entendre le spectacle et capter ses sonorités. Devez-vous porter votre attention seulement sur le texte, les dialogues, ou bien vous en dessaisir pour n’observer que la mise en scène, le décor ou le non décor, le plateau nu, et les mouvements des acteurs ? Qu’allez-vous percevoir et retenir et quel sens allez-nous en donner ?

Jacques Rancière, dans son ouvrage Le spectateur émancipé, explique : « Le spectateur observe, sélectionne, compare, interprète. Il lie ce qu’il voit à bien d’autres choses qu’il a vu sur d’autres scènes, en d’autres sortes de lieux. Il compose son propre poème avec les éléments du poème en face de lui. »[2]

A l’heure où je termine ce texte, nous n’avons pas encore assisté à la première représentation qui se tiendra le 25 octobre à la Rose des Vents. Please Kill me en est son titre. Durant ce premier semestre, nous assisterons à quatre spectacles, participerons à des « Masters class », rencontrerons des acteurs et des metteurs en scène. A chaque étape, l’étudiant sera muni de carnets, d’appareils photo ou vidéo, de blocs de dessin. Inutile de préciser que la motivation est au rendez-vous. Elle est d’autant plus présente que du 6 au 19 décembre 2012, les étudiants présenteront le résultat de leurs travaux, fruit de cette expérience, dans le cadre d’une exposition à l’Esa. Rose & compagnie pourrait en être son titre.

Le chapitre 2 de ce texte portera donc sur cette exposition.

Nathalie Stefanov / Professeur d’enseignement artistique, ESA Nord-Pas de Calais / Membre de l’AICA Belgium


[1] RoseLee Goldberg, Performances, l’art en action, Thames & Hudson, Paris, p.63

[2] Jacques Rancière, Le spectateur émancipé, La Fabrique éditions, Paris, 2008, p.19

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