La notion même d’artiste s’est bâtie sur l’idée de singularité.
Dans l’histoire européenne, à l’artisan qui reprend et adapte des formes et des contenus préexistants, l’artiste oppose une volonté de création personnelle qui est sensée s’emanciper des modèles et faire du nouveau. Nous savons néanmoins que ce positionnement est tout relatif, que la Renaissance occidentale, tout en proposant ce modèle a aussi associé l’artiste au courtisan, lié aux princes et aux commanditaires. Les arts non occidentaux n’ont pas, pour leur part et jusqu’à une période récente, dissociés l’artiste de l’artisan.
Aujourd’hui, se développent à travers le monde des “singularités” héritées de ces différentes traditions et qui donnent à cette notion même des sens distincts. La mondialisation a créé de nouveaux modèles mais a aussi généré des “flux” où se croisent des propositions artistiques différentes, à chaque fois produites par la synthèse des cultures locales et d’un vocabulaire international. Bien sûr, ces circulations ne sont pas étrangères aux hiérarchies et aux dominances culturelles, la géographie du marché de l’art en est le premier témoin. Cependant, on peut emettre l’hypothèse qu’un espace de convergences et de dialogues a pu naitre de ces flux et pourrait, s’il est intelligemment utilisé, faire de l’art un vecteur de paix. Cette question de "l’art pacificateur" a été proposé comme axe de recherche pour le master international que les participants africains et français du séminaire d’Abidjan qui s'est tenu à Abidjan les 10 et 11 juillet 2012 et a fait l'objet d'une déclaration publiée dans Mediapart, désirent mettre en place.
Cette question du “global” et du “local” est aujourd’hui au centre de la production de nouvelles formes. Elle se couple avec un “tissage” de flux, reels ou virtuels, qui, tout en déterritorialisant l’art au plan de sa diffusion, crée par un mouvement de retour un ancrage dans les différentes cultures qui produit cette pluralité des singularités.
Gageons que chacun puisse y trouver bientôt sa place, comme la récente diffusion des productions des artistes contemporains africains en témoigne aujourd’hui.
Catherine Delvigne
Enseignante et coordinatrice de la classe préparatoire FLEA (Français Langue étrangère-Arts) près l'Ecole supérieure d'Art du Nord-Pas de Calais Dunkerque-Tourcoing.
Présidente de l'association "Le Bois sacré"
Sur ces questions:
Nathalie Heinich, Ce que l’art fait à la sociologie, Editions de Minuit, 1998
Jacques Soulillou, L’auteur, mode d’emploi, L’Harmattan, 1999
Marc Augé, Pour une anthropologie des mondes contemporains, Flammarion, 2010
Thomas Mac Evilley, L’identité culturelle en crise, Art et differences à l’époque postmoderne et postcoloniale, Editions Jacqueline Chambon, 1999.