L’École Supérieure d’Art du Nord-Pas-de-Calais Dunkerque-Tourcoing est résolue à décloisonner un enseignement de l’Histoire de l’art qui demeure trop souvent circonscrit à l’art tel qu’il a été pensé et pratiqué en Occident depuis la Renaissance et d'aborder à travers un cycle de conférences l’histoire des formes et des idées dans les autres aires culturelles (Afrique, Amériques, Orient, Asie, Océanie) dans le but d’articuler une réflexion critique à partir des concepts historiques, culturels et esthétiques qui caractérisent notre époque et ses enjeux à une échelle planétaire.
Entretien avec Cyril Crignon, docteur en philosophie, chargé de la programmation de ce cycle de conférences.
Quel est le propos du Cycle Extra ? À quel besoin pédagogique répond-il ?
Le Cycle Extra, que l’ÉSÄ amorce cette année, a pour ambition de brosser un panorama des formes artistiques qui ont été produites en dehors de la sphère occidentale et/ou du contemporain. La mise en route de ce cycle procède d’une volonté de décloisonner un enseignement de l'Histoire de l'art qui, à se tourner exclusivement vers l'art tel qu'il a été pensé et pratiqué en Occident depuis la Renaissance, ne peut que manquer certains enjeux de la création en notre époque de globalisation artistique. Force est en effet d’admettre l’ignorance dans laquelle nombre d’entre nous demeurons, quant à ce qui a pu ou peut se produire ailleurs que dans une aire culturelle dont les frontières se font pourtant de plus en plus poreuses depuis plus d’un siècle. Il nous a donc semblé urgent de réduire, autant que faire se peut, cette ignorance qui ne peut qu’obérer la capacité de nos étudiants à articuler une réflexion critique à partir des concepts historiques, culturels et esthétiques aujourd'hui mis en circulation.
À qui s’adresse-t-il ? Comment s’articule-t-il avec les enseignements de l’école ?
Le Cycle Extra se déroulera sur notre site de Tourcoing, à raison d’une conférence par mois se tenant un jeudi, dès 17 heures, dans l'amphithéâtre que l’École a en partage avec le Département des Arts Plastiques de l'Université Charles-de-Gaulle — Lille 3. Ce cycle est ouvert au public le plus large, et nous espérons naturellement que les étudiants présents sur ce pôle y viendront nombreux. Il s’adresse, cela dit, tout particulièrement à nos étudiants du deuxième cycle, — ceux qui se trouvent inscrits dans la « phase projet » de leur cursus. La direction de l’École, ainsi que les membres de l’équipe pédagogique concernés, ont effet tenu à ce qu’à chaque conférence, d’une durée moyenne d’une heure, succède un exposé d’une vingtaine de minutes, qu'un étudiant développe sur un thème corrélé à celui que le conférencier aura abordé. Le cycle s’inscrit ainsi dans un cadre pédagogique précis : les conférences tiennent lieu, pour une part, de l’enseignement de l’Histoire de l’art ; quant aux exposés qui s’ensuivent, ils supposent, en amont, l’accompagnement pédagogique des étudiants qui répondent à cet appel à contributions, et aussi bien offrent-ils à ceux-ci l’opportunité de creuser une question qui se trouve au cœur de leur propre projet plastique, dont ils peuvent trouver un écho dans l’une ou l’autre des conférences programmées. Or, mettre au jour les affinités secrètes qui relient leur pratique aux « arts d’ailleurs » peut leur permettre d’expérimenter de nouvelles solutions plastiques aux problèmes que leur pose leur production, et d’inscrire celle-ci dans une perspective anthropologique plus vaste. Une chance leur est enfin donnée d’en parler avec des spécialistes reconnus de ces questions.
Qui sont les intervenants ? Quels sont les sujets abordés ? Sur quel mode ?
Nous avons tenu, en cette affaire, à adopter une modestie que nous espérons opératoire. Comme en bien des écoles d'art, ceux qui, dans la nôtre, sont en charge de l'enseignement de l'Histoire de l'art ont bien des compétences à faire valoir s'agissant de l'art moderne, contemporain ou actuel, — mais non sur ces arts « d'ailleurs », dont l'enseignement suppose une initiation et une familiarité que seules de longues et patientes études permettent d'acquérir. Aussi nous a-t-il semblé que c'est en faisant appel à des personnalités extérieures, qui en sont spécialistes, que nous pourrions au mieux répondre aux exigences pédagogiques que nous nous sommes fixées. Nous avons donc invité un certain nombre de chercheurs confirmés à venir nous présenter quelques-uns des objets qui peuplent leur champ d'études, qu'ils ont choisis dans une visée propédeutique. Nous sommes heureux et fiers de compter parmi nous cette année Monsieur Dominique Château, Professeur des universités enseignant la philosophie de l’art, l’esthétique et les études cinématographiques à l’Université Paris 1 — Panthéon-Sorbonne, qui viendra nous parler de « L’art africain : une nouvelle manière de voir l’art et l’Afrique », Madame Thanh Tram Journet, conférencière auprès des musées de la ville de Paris, travaillant au sein des musées Carnavalet et Cernuschi, enseignant les arts de la Chine et du Japon à l'Ecole du Louvre, interviendra quant à elle sur le thème : « Transposer le monde en 2 dimensions: réponses chinoises » ; Monsieur Claude Jamain, maître de conférences à Lille 3 en arts de la scène, nous propose pour sa part une conférence intitulée « Noh et Butoh : corps, espace, énergie » ; puis ce sera au tour de Madame Brigitte Faugère, maître de conférences à Paris 1 en archéologie et arts précolombiens, de nous entretenir des « représentations anthropomorphes en Mésoamérique à l'époque précolombienne: autour de la conception du corps et de la personne » ; Madame Magali Mélandri, chargé des collections Océanie au Musée du quai Branly et enseignant à l’Ecole du Louvre, interviendra ensuite sur la question des « arts aborigènes d’Australie » ; Monsieur Rémi Labrusse, professeur d'Histoire de l'art à Paris 10, soulèvera la question suivante : « Existe-t-il une esthétique "islamique" ?: Autour de la construction d'une catégorie de l'histoire de l'art (XIXe - XXIe siècle) » ; l’art africain, contemporain cette fois-ci, sera de nouveau à l’honneur en mai, avec Madame Nadine Martinez, docteur en éthnoesthétique de Paris 1 ; enfin, nous aurons en juin un byzantinologue en la personne de Monsieur Vivien Prigent qui viendra clore le Cycle Extra
Quelles sont les restitutions, les publications envisagées ?
Certains de nos invités nous ont d’ores et déjà donné leur accord pour que nous réalisions une captation audio et/ ou vidéo de leur intervention. Les étudiants participant à l’Atelier de Recherche et de Création « Web TV » pourront en faire un montage qui sera mis en ligne. Les éditions de l’École ouvrent par ailleurs un collection « Pédago », sous la direction de Christophe Atabekian, dont un volume pourrait réunir les conférences du Cycle Extra.