Economie 3.0

Abonné·e de Mediapart

1 Billets

0 Édition

Billet de blog 23 août 2023

Economie 3.0

Abonné·e de Mediapart

Les confortables salaires des PDG du CAC 40

Economie 3.0

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Les salaires des PDG du CAC 40 ne connaissent pas la crise et sont insensibles à la récession, à la dépression et à l'inflation.

Les patrons ont même fait de bonnes affaires avec l'inflation au mépris du pouvoir d'achat des ménages !

La rémunération totale moyenne des PDG du CAC 40 a connu une inflation (sans mauvais jeu de mots) de 52% en 2021 atteignant ainsi son point culminant depuis 15 ans à 7,9 millions d'euros.

Cette somme représente plus de cent fois la rémunération moyenne perçue par les employés de ces entreprises.

En 2022 la rémunération moyenne d'un patron d'une entreprise du CAC 40 s'est élevée à 6,6 millions d'euros.

Et le gouvernement français persiste et signe en refusant d'indexer les salaires sur l'inflation, sous le fallacieux prétexte de sauvegarder la compétitivité des entreprises, tout en tolérant les augmentations de salaire insolentes des PDG du CAC 40.

En 2022, les patrons du CAC 40 ont ainsi enregistré des niveaux de rémunération annuelle sans précédent, portés par les montants considérables accumulés par les patrons de Dassault Systèmes, Stellantis, Teleperformance, Sanofi, Kering, l'OREAL, LVMH, ARCELORMITTAL.

L'écart salarial se creuse davantage avec les rémunérations des autres employés.

En 2021, l'indice d'inflation annuelle en France a été évalué à +1,6 % par l'INSEE.

Depuis, sous l'ombre du conflit en Ukraine, cet indicateur a maintenu son rythme de hausse rapide, atteignant +5,8 % en août 2022 sur une année.

L'augmentation des prix, en particulier ceux de l'énergie et des produits alimentaires, a un impact significatif sur les ménages à faible revenu.

Cependant, les PDG du CAC 40 sont mieux préparés à faire face à l'inflation, étant donné que leurs rémunérations annuelles ont connu une augmentation de 51,8 % en 2021.

La rémunération moyenne des dirigeants du CAC 40 se chiffre ainsi à 6,6 millions d'euros en 2022, en comparaison des 4,35 millions d'euros en 2020.

Il convient de noter que les rémunérations des PDG avaient été intentionnellement réduites, dans des proportions variables, au cours de la première année de la pandémie, en signe de solidarité envers le reste de la population.

En 2019, la rémunération annuelle moyenne d'un PDG du CAC 40 se situait à 5,2 millions d'euros, marquant une hausse de 26,4 % entre 2019 et 2021.

Comme chaque année, cette moyenne masque des disparités considérables.

Un petit nombre croissant de PDG du CAC 40 affiche désormais des rémunérations largement supérieures à 10 millions d'euros, tandis que les dirigeants d'entreprises dont l'État détient une part (comme Orange, Thales et Safran) se trouvent en bas de classement, avec des rémunérations annuelles confortables de 2 à 3 millions d'euros.

Il n'y a désormais qu'un seul PDG du CAC 40 affichant une rémunération annuelle inférieure à 2 millions d'euros, en l'occurrence le nouveau venu Eurofins, dirigé par Gilles Martin.

Ceci est attribuable au fait qu'il est le principal actionnaire de sa propre entreprise, recevant ainsi uniquement un salaire fixe, sans partie variable ni rémunération en actions.

En 2020, seulement six PDG du CAC 40 touchaient moins de 2 millions d'euros annuels.

Quels sont les patrons les plus rémunérés du CAC 40 ?

Les dirigeants les mieux payés du CAC 40 restent sensiblement les mêmes d'une année à l'autre (on prend les mêmes et on recommence) !

En tête du classement, on retrouve Bernard Charlès, le directeur général de Dassault Systèmes, avec une rémunération importante de 32 962 337 millions d'euros, principalement grâce à sa part significative en actions.

Carlos Tavares de Stellantis est bien loti également avec une rémunération de 23 459 006 millions d'euros.

Daniel Julien de Teleperformance ne connait pas de fins de mois difficiles eu égard à sa rémunération de 19 717 239 millions d'euros.

Ils sont suivis dans le classement par les dirigeants de Sanofi, Kering, L'Oréal, LVMH et ARCELLORMITTAL.

Les augmentations les plus remarquables reviennent au PDG d'EssilorLuxottica (+245 % par rapport à 2020 et +138 % par rapport à 2019), ainsi qu'aux dirigeants de L'Oréal (+231 % d'une année à l'autre, en raison du changement de direction de l'entreprise) et d'Alstom (+181 % par rapport à 2020 et +160 % par rapport à 2019).

La rémunération médiane des PDG du CAC 40, en raison du petit nombre de rémunérations très élevées, demeure sensiblement inférieure à la rémunération moyenne, mais suit la même tendance à la hausse : elle s'est établie à 4,9 millions d'euros en 2021, contre 4,2 millions d'euros en 2019 et 3,3 millions d'euros en 2020.

Les milliardaires du CAC 40

Près de la moitié des entreprises présentes dans le CAC40, soit 16 sur 40, entretiennent des liens étroits avec de grandes fortunes, souvent les familles fondatrices.

Ces liens se manifestent principalement au niveau de la détention d'actions, c'est-à-dire que ces familles conservent une part variable du capital de ces entreprises via leurs holdings. Dans certains cas, des membres de ces familles occupent également des postes de direction au sein de ces sociétés.

En 2021, ces 16 familles ont bénéficié de dividendes s'élevant à 5,8 milliards d'euros provenant du CAC40, ces dividendes ayant été versés à la suite des assemblées générales de 2022.

Cela représente environ un dixième de l'ensemble des dividendes distribués par les entreprises du CAC 40.

Il est à noter que parmi les 10 plus grandes fortunes françaises répertoriées par le magazine Challenges en juin 2022, la moitié d'entre elles ont des liens avec des entreprises du CAC 40.

C'est le cas notamment de LVMH (Arnault), Hermès, L'Oréal (Bettencourt) et Kering (Pinault), auxquels on peut ajouter le Groupe Dassault, qui est l'actionnaire majoritaire de Dassault Systèmes et de Thales.

Cinq grandes familles détiennent à elles seules un quart de la capitalisation boursière du CAC 40, ce qui représente précisément 25,5% du total, soit environ 460 milliards d'euros, selon les données d'Euronext, qui est notamment propriétaire des Bourses de Paris, Bruxelles, Amsterdam et Milan.

À l'heure actuelle, la capitalisation totale du CAC 40 s'élève à 1 800 milliards d'euros.

Ces familles sont principalement actives dans le secteur du luxe, notamment avec des entreprises telles que LVMH, Hermès, L'Oréal, Kering, et plus récemment, la famille Del Vecchio suite à la fusion entre le géant italien de l'optique et le spécialiste français des verres de lunettes, Essilor.

LVMH est associée à la famille Arnault, Hermès est liée à trois familles héritières du fondateur Thierry Hermès, à savoir Guerrand, Dumas et Puech, L'Oréal est associée à la famille Bettencourt, et Kering (anciennement PPR) est liée à la famille Pinault.

Les cinq autres grandes fortunes sont également associées à des entreprises, bien que celles-ci ne soient pas cotées en bourse. Il s'agit de Chanel (Wertheimer), CMA-CGM (Saadé), Auchan (Mulliez), Lactalis (Besnier) et Caste.

Une rétribution corrélée aux intérêts des marchés boursiers

Les rémunérations des patrons du CAC 40 suivent une trajectoire similaire à celle des augmentations de dividendes, qui sont nettement dissociées à la fois de l'inflation et de l'évolution des salaires des employés ordinaires au sein des sociétés.

En effet, le salaire de base des PDG du CAC 40 ne représente désormais qu'une fraction inférieure à un cinquième (19,3 %) de leur rémunération totale.

Cette proportion est significativement inférieure à celle des primes variables (28,2 %) et surtout à celle des rétributions en actions, qui constituent près de la moitié de l'ensemble (48 %).

Illustration 1
Rémunération des patrons du CAC 40

Le reste se compose de gratifications exceptionnelles et de divers avantages financiers ou matériels.

Étant donné que la part variable demeure elle-même grandement alignée sur des objectifs de performance financière et boursière, il en résulte que les trois quarts des compensations patronales sont directement liés à des critères financiers et à la satisfaction des investisseurs.

Dans ce contexte, il n'est pas surprenant que les patrons du CAC 40 donnent la priorité aux intérêts des actionnaires.

Illustration 2
Palmarès des dividendes du CAC 40 versés aux actionnaires

Les Privilèges Financiers des Dirigeants du CAC40 : Quand les Priorités Patronales Convergent avec les Intérêts des Marchés

L'alignement des priorités des dirigeants d'entreprise avec les intérêts des marchés financiers se révèle particulièrement sournois.

Cette convergence est encore plus subtile du fait que les dirigeants, en recevant une part importante de leur rémunération sous forme d'actions, évoluent progressivement pour devenir des actionnaires significatifs au sein de leurs propres sociétés.

Par conséquent, ils deviennent également bénéficiaires de dividendes.

En optant pour une augmentation régulière des distributions aux actionnaires d'une année à l'autre, ou en allouant des sommes considérables issues de la trésorerie de l'entreprise pour le rachat et l'annulation de ses propres actions, les dirigeants du CAC40 sont ainsi en quelque sorte leurs propres bénéficiaires. 

Les dividendes touchés par les dirigeants du CAC40 au sein de leurs entreprises respectives présentent une large amplitude, variant de quelques dizaines de milliers d'euros à plusieurs millions, ce, même sans prendre en compte les cas particuliers des PDG qui détiennent la majorité des actions de leur groupe par le biais de leurs holdings familiales (comme Bernard Arnault et LVMH, les familles Bouygues, Pinault, et autres).

Le tableau ci-dessous illustre les dividendes les plus conséquents perçus par les dirigeants du CAC40.

Illustration 3
Rémunération en dividende des patrons du CAC 40

On remarque que certains présidents de conseils d'administration reçoivent en dividendes des montants équivalents aux rémunérations annuelles qui les positionneraient en haut du classement des dirigeants du CAC40.

Certains directeurs généraux et PDG s'octroient également des dividendes significatifs en complément de leur rémunération « officielle ».

Par exemple, Bernard Charlès (Dassault Systèmes) a touché 48 millions d'euros au titre de l'année 2021, dépassant ainsi les 44,1 millions officiels. Daniel Julien (Teleperformance) voit ses revenus passer de 19,6 à 23,4 millions, et Jean-Pascal Tricoire (Schneider Electric) voit les siens augmenter de 6,9 à 9,2 millions.

Les salariés encore et toujours sont les dindons de la farce

Les données disponibles concernant les salariés ne sont pas aussi détaillées que celles relatives aux rémunérations des dirigeants.

En 2021, les dépenses moyennes par salarié au sein du CAC40 se sont élevées à 65 272 euros, comparées à 61 927 euros en 2020 et 64 200 euros en 2019. Ceci représente une augmentation de 1,7 % entre 2019 et 2021, et de 5,4 % entre 2020 et 2021.

Cependant, ces moyennes ne révèlent pas la diversité de la situation au sein de chaque entreprise.

Les dépenses par salarié varient considérablement d'une entreprise à l'autre.

Par exemple, elles sont relativement faibles chez certaines entreprises telles que Carrefour (environ 22 000 euros) et encore pires chez Teleperformance (11 000 euros).

En revanche, d'autres entreprises affichent des dépenses bien plus élevées.

Il est important de noter que, même si l'on exclut les changements de périmètre qui ont pu fausser les données (tels que l'absorption de Bombardier par Alstom ou les cessions d'Engie ou Vivendi), des entreprises qui enregistrent une hausse significative de leurs dividendes et des rémunérations des dirigeants montrent tout de même des diminutions des dépenses par salarié, comme ArcelorMittal (-6,8 % entre 2019 et 2021), Axa (-4,7 %) et BNP Paribas (-5,6 %).

Les cas de Capgemini (-6,8 %) et d'Eurofins (-8,2 %) semblent refléter une tendance à la création d'emplois dans des régions à bas salaires.

Ces chiffres sont pertinents à l'échelle mondiale, mais ils doivent également être considérés à la lumière des négociations salariales difficiles, parfois ponctuées de grèves, au sein de nombreuses entreprises du CAC40 en 2021 et 2022.

Après avoir surmonté les impacts de la pandémie de Covid-19 et face à l'explosion des bénéfices de leurs employeurs, de nombreux salariés français espéraient bénéficier d'une part des retombées de la reprise économique.

Mais cela n'a pas été le cas...

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.