Comment peut-on mesurer le bien-être dans une société ? Le PIB est un indicateur de la richesse produite au cours d’une année. Il a son utilité mais il ne tient pas compte du type de biens et services qui sont produits (mettant sur le même plan la santé et la publicité par exemple), des inégalités, ou encore des destructions de la nature que la production engendre. Les indicateurs de santé semblent davantage pertinents. L’espérance de vie à la naissance est un indicateur bien connu : elle n’augmente plus en France depuis 2014, ce qui est très inquiétant et en dit long sur l’état de notre société. Elle était de 85,4 ans pour les femmes en 2021 (comme en 2014) et de 78,6 ans pour les hommes (78,5 en 2014). Un autre indicateur est moins regardé : le taux de mortalité infantile (rapport entre le nombre d'enfants décédés à moins d'un an et l'ensemble des enfants nés vivants). C’est celui-ci que nous nous proposons de commenter rapidement dans cette note.
Une stagnation du taux de mortalité infantile depuis une quinzaine d’années
Depuis l’après-guerre, le taux de mortalité infantile n’a cessé de décroître. Mais cette baisse a été stoppée nette depuis une quinzaine d’années. Elle est aujourd’hui à 3,6 enfants décédés à moins d’un an pour 1000 naissances (comme en 2010).

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Source: Insee
L’exception française en Europe
On aurait pu penser que le taux de mortalité infantile avait atteint un plancher au débur des années 2000 en-dessous duquel il serait impossible de descendre. Un simple coup d’oeil à nos voisins européens le dément. Alors que la France faisait beaucoup mieux que la moyenne européenne en 2005 (avec un taux de mortalité infantile de 3,8 contre 4,8 au niveau de l’Union européenne), ce n’est plus le cas en 2019 (avec un taux de 3,8 contre 3,5 au niveau de l’UE). La mortalité infantile a continué à reculer en Europe alors qu’elle stagnait en France. L’Espagne qui avait en 2005 à peu près le même taux de mortalité infantile (3,7) que la France (3,8) a un taux de mortalité infantile de 2,6 en 2019. Et si on voulait une preuve qu’il n’y a pas de plancher pour le taux de mortalité infantile, il suffit de regarder la Finlande. Ce pays avait déjà un taux de mortalité infantile très bas en 2005 (3,0). Il a pourtant fortement baissé puisqu’il est en 2019 de 2,1. La stagnation du taux de mortalité infantile en France n’est pas un phénomène naturel mais un phénomène social préoccupant qu’il faut essayer de comprendre.

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Source: Insee, Eurostat
De quoi la stagnation du taux de mortalité infantile est-elle le nom ?
Une toute récente étude publiée dans le Lancet[1] s’interroge sur ce phénomène spécifiquement français et tente d’y trouver des causes. Elle indique que la mortalité infantile dépend de l’état de santé de la mère avant et pendant la grossesse, et plus généralement de facteurs socio-économiques affectant le bien-être de la famille pendant la grossesse. Si les conditions de vie sont dégradées, la mortalité infantile augmente. On peut aussi penser que l’accès aux soins est déterminant.
On observe d’ailleurs que le taux de mortalité infantile est plus faible dans les départements les plus riches (3,12 dans les Hauts de Seine ou 3,24 à Paris entre 2014 et 2016) alors qu’il est plus élevé dans les départements les plus pauvres (par exemple 4,43 en Seine Saint Denis, ou encore 8,14 en Guadeloupe). Aux États-Unis, la mortalité infantile et maternelle chez les Afro-Américains et les Latino-Américains est plus de deux fois supérieure à la moyenne nationale
Que faire pour faire baisser le taux de mortalité infantile en France ?
Le taux de mortalité infantile est un thermomètre. Nous avons une certitude : les programmes de Macron, Pécresse, Zemmour et Le Pen ne le feront pas reculer, car ils prolongeront et aggraveront les tendances existantes, en accroissant les inégalités, la pauvreté, et en saccageant les services publics. Le programme de Jean-Luc Mélenchon comporte des mesures qui, concrètement, permettraient de sauver chaque année des vies d’enfants qui ne devraient pas mourir :
- des mesures immédiates contre la grande pauvreté : pas une personne ne doit avoir un revenu en-dessous du seuil de pauvreté (1063 € aujourd’hui) ; pas une personne ne peut être sans logement ; dans un pays riche comme le notre, la grande pauvreté doit être éradiquée immédiatement et ce doit être la priorité immédiate du nouveau gouvernement d’union populaire autour de laquelle l’ensemble de la société doit se mobiliser
- toute personne en âge de travailler doit avoir droit à un travail, car il ne suffit pas d’avoir un revenu minimum pour avoir une vie digne. Le programme de l’AEC défend la « garantie d’emploi » : cela reconnaît chaque individu, non seulement comme un « être de besoins », mais comme un producteur, qui doit avoir un statut, lui garantissant un droit au travail, au salaire, et de façon plus générale un droit de décider des grands choix économiques.
- une forte augmentation des moyens pour développer les services publics essentiels, en premier lieu la santé. L’objectif est clair : mettre en place un « 100 % Sécu » qui rembourse l’intégralité des soins, et pas simplement un « panier minimum ».
[1]https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2666776222000321