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Billet de blog 16 juin 2022

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Tourner la page du néolibéralisme

La campagne des législatives qui s’achève aurait pu être l’occasion de confronter deux approches des questions économiques, donc deux visions de la société, afin que nos concitoyens puissent faire un choix en toute connaissance de cause. Par Eric Berr et Elvire Guillaud, maîtres de conférences en économie aux Universités de Bordeaux et de Paris 1.

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La campagne des législatives qui s’achève aurait pu être l’occasion de confronter deux approches des questions économiques, donc deux visions de la société, afin que nos concitoyens puissent faire un choix en toute connaissance de cause. Emmanuel Macron et ses soutiens en ont décidé autrement en refusant tout débat, confirmant le mépris pour la démocratie d’un Président qui, par ailleurs, entretient le flou concernant les mesures qu’il entend mettre en œuvre s’il obtient la majorité à l’assemblée nationale. Dans une intervention sur France inter le 15 juin, Bruno Le Maire a tout de même confirmé l’engagement du gouvernement actuel de faire 40 milliards d’euros d'économies. Il compte à cet effet sur la réforme des retraites pour économiser 10 milliards afin de financer la réduction du déficit public, reconnaissant donc que celle-ci n’a aucunement pour but d’améliorer les pensions mais que les retraités paieront le « quoi qu’il en coûte » par la baisse de leur niveau de vie. Il compte également amputer le budget de l’État de 20 milliards — le double de ce qu’Emmanuel Macron envisageait pendant la campagne présidentielle — et les dépenses des collectivités locales de 10 milliards. Ces économies doivent servir à financer les 50 milliards de nouvelles dépenses promises par Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle.

Bruno Le Maire oublie de rappeler que le gouvernement a décidé de reporter l’envoi à la commission européenne de son programme de stabilité, ce qu’il doit pourtant faire chaque année au mois d’avril. Est-ce parce qu’il s’est engagé à ramener le déficit public sous la barre des 3% du PIB à l’horizon 2027, ce qui suppose de faire 80 milliards d’économies supplémentaires ? Comme le gouvernement se refuse à accroître les recettes fiscales, affirmant au contraire vouloir poursuivre sa politique de baisse des impôts qui a déjà grevé le budget de l’État de plus de 50 milliards, et que l’on ne peut actuellement compter sur une croissance qui est faible et dont les estimations ont été revues à la baisse par le gouvernement lui-même, c’est une cure d’austérité sans précédent qui s’annonce en cas de victoire du gouvernement actuel. Pourtant, en France comme ailleurs, la fortune des milliardaires a davantage augmenté en deux ans de pandémie qu’en deux décennies[1], entraînant un niveau d’inégalités sans précédent. Mais la lutte contre les inégalités n’a jamais été au programme du candidat Macron. Du sang et des larmes pour les ménages les moins favorisés, voilà la promesse du macronisme, qu’il se garde bien d’annoncer avant les élections mais qu’il ne manquera pas d’appliquer en cas de victoire.

Obsédé par le respect de critères d’endettement qui ont pourtant été levés par l’Union européenne, le gouvernement hypothèque notre avenir : l’austérité renforcée qu’il prépare se fera au prix d’une dégradation toujours plus importante des services publics, d’une précarité accrue pour de nombreuses personnes et maintiendra notre pays dans l’inaction climatique. Qui peut en effet croire qu’un investissement de 10 milliards par an dans la transition écologique, comme le promet Emmanuel Macron, permettra de répondre au défi climatique alors que, au dire des experts, il nous reste à peine trois ans pour inverser la tendance[2] ? Quant à son action sociale, elle se limite à une politique de chèques occasionnels bien loin de répondre à l’extraordinaire urgence sociale du pays.

S’il voulait faire des économies, Emmanuel Macron pouvait par exemple supprimer la baisse des cotisations patronales qui s’est substituée au CICE et le crédit impôt recherche (CIR), dont l’inutilité n’est plus à démontrer mais qui amputent les caisses de l’État d’environ 30 milliards par an. Il préfère approfondir une politique de l’offre reposant sur les baisses de cotisations et les avantages fiscaux accordés aux entreprises, sans contrepartie, afin de stimuler leur compétitivité. Au moment où le néolibéralisme est largement remis en cause, le programme d’Emmanuel Macron apparait comme un contresens historique.

L’alternative existe pourtant. Elle est portée par la Nupes à l’aide d’un programme ambitieux mais réaliste, qui s’attaque aux grands défis de notre temps : l’urgence sociale et la bifurcation écologique.

Répondre à l’urgence sociale, ce n’est pas continuer d’affaiblir nos services publics par d’inhumaines politiques d’austérité à visée purement comptable. C’est au contraire répondre aux besoins essentiels de chacun et en premier lieu permettre à tous de vivre dignement. C’est pour cela qu’il convient de porter le SMIC à 1500 euros nets et d’engager des négociations de branches afin de revoir l’échelle des salaires. C’est pour cela qu’il est nécessaire de mettre en place la retraite à 60 ans afin que tout le monde puisse profiter d’une retraite en bonne santé après une vie de labeur. C’est pour cela qu’il est indispensable d’instaurer une allocation d’autonomie de 1063 euros pour les jeunes, étudiants ou dans l’enseignement professionnel, afin qu’ils puissent s’émanciper et se construire en tant que citoyens.

Engager la bifurcation écologique est vital. Et ce n’est pas avec Emmanuel Macron, deux fois condamné pour inaction climatique, que cela pourra se faire. Le programme de la Nupes a été jugé par de nombreuses associations et spécialistes des questions environnementales comme le plus à même de répondre à ce défi.

Lestée d’un programme qui est un contresens économique et historique, la macronie en est réduite à jeter l’anathème sur le programme de la Nupes et agite des peurs irrationnelles. Pourtant, comme le reconnait le New York Times dans un article paru le 16 juin[3], les accusations de « retour à l’ère soviétique » et de « collectivisation » d’un programme qui pousserait le pays « au bord du gouffre » n’ont aucun sens. Le programme de la Nupes est jugé progressiste et le New York Times note que « les plans visant à augmenter les impôts des super riches et à stimuler les investissements dans les écoles, les hôpitaux et les réseaux de transport contrastent avec l'accueil réservé par M. Macron au secteur privé ». Il s’étonne également que les « propositions audacieuses de l'alliance en matière de climat — un plan quinquennal d'investissement vert de 200 milliards d'euros, basé sur le principe de la planification écologique — [aient] conduit le ministre de l'écologie à accuser la Nupes de « jouer sur les peurs des jeunes ». » Avant de conclure : « Mais il est difficile de voir dans ces plans autre chose qu'une tentative de s'attaquer de front à la crise climatique. Le coût de l'inaction serait de toute façon bien plus élevé. »

On ne saurait mieux dire. Le macronisme est dépassé par la période.  C'est le moment de tourner la page.

[1] https://www.oxfam.org/fr/communiques-presse/la-pandemie-fait-emerger-un-nouveau-milliardaire-toutes-les-30-heures-alors-quun

[2] https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg3/

[3] https://www.nytimes.com/2022/06/16/opinion/france-elections-melenchon-macron.html

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