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Billet de blog 1 décembre 2023

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Toujours pas de salaires décents dans l'industrie de la mode au Bangladesh

En France, cette fin d’année est rythmée par la course aux bons plans du « Black Friday », la vente de 400000 billets pour les Jeux Olympiques et l’achat des cadeaux de Noël. À l’autre bout du monde, les personnes qui fabriquent nos vêtements soldés, nos maillots de compétition et nos cadeaux se battent pour des conditions de travail et de vie décentes.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Octobre 2023 a vu une forte mobilisation des ouvriers et ouvrières du secteur textile au Bangladesh. La raison ? Les salaires indignes et les conditions de travail difficiles dans ce secteur...

Jusqu'aux grèves et manifestations qui ont ébranlé tout le pays, le salaire minimum dans les usines textiles et les ateliers de confection était de 8300 takas (environ 70 euros) par mois. Or, d'après l'Alliance pour des salaires de subsistance en Asie (AFWA), une famille de quatre personnes aurait besoin d'environ 53000 takas, soit un peu plus de 450 euros, pour subvenir à ses besoins.

Les grèves et manifestations ont débuté le 23 octobre, dans le cadre de la renégociation quinquennale de ce salaire minimum. Il faut rappeler que les premières négociations, en 2013 puis en 2018, avaient déjà été de relatifs échecs, puisque les augmentations décidées ne prenaient pas en compte l’inflation et ne permettaient pas de vivre décemment. Les travailleuses et travailleurs du textile revendiquent un salaire minimum de 23000 takas (environ 194 euros), mais leur mouvement de protestation a dû prendre fin le 7 novembre sur un montant moitié moins élevé, d'à peine 12500 takas.

Une industrie qui reste marquée par de graves atteintes aux droits humains

Le 24 avril 2013, l’effondrement mortel du Rana Plaza a mis en évidence les graves manquements aux droits humains que cette industrie génère dans le pays et motivé quelques aménagements.

Depuis 2013, le gouvernement a introduit un mécanisme de renégociation salariale tous les 5 ans ainsi qu’une augmentation annuelle du salaire de 5%, en fait rarement respectée. Ce mécanisme de négociation tous les 5 ans expose les ouvriers et les ouvrières à la misère, car les augmentations ne suivent pas l'augmentation du coût de la vie. Pendant la pandémie de Covid-19, les fermetures de magasins en Europe et aux Etats-Unis ont entraîné une grave crise économique et sociale : la plupart des personnes confectionnant les vêtements exportés par le Bangladesh ont dû s'endetter pour faire face à leurs dépenses quotidiennes. Et l'actuelle inflation n'arrange rien.

La tragédie du Rana Plaza est aussi à l’origine d’un Accord International qui cherche à améliorer les conditions de production de nos vêtements. Si cet Accord a permis des progrès en ce qui concerne la santé et la sécurité au travail, les atteintes à la liberté d’association et les violences envers les dirigeants syndicalistes continuent. 

Selon une étude de la Confédération Syndicale Internationale, le Bangladesh est classé parmi les 10 pires pays pour les travailleurs et les travailleuses avec des atteintes fortes à la liberté d’association et au droit de négociation collective. L’espace civique bangladais se réduit considérablement, comme en témoigne l’assassinat du dirigeant syndicaliste Shahidul Islam en juin 2023 en marge d’une réunion syndicale. Le mouvement de protestation de cet automne a été durement réprimé : au moins quatre personnes ont été tuées, au moins 140 personnes ont été arrêtées, et environ 10 000 personnes font l’objet de poursuites.

Les femmes, principales victimes de l’industrie textile  

Parmi les plus de 1134 personnes qui sont mortes dans l’effondrement du Rana Plaza en 2013, la plupart étaient des femmes. Il semble essentiel de rappeler que les ouvriers du textile au Bangladesh sont en réalité, à 60%, des ouvrières. L'industrie du textile repose sur l’exploitation d'une main-d'oeuvre essentiellement féminine, souvent peu qualifiée et vulnérable.  

Le quotidien dans les ateliers de confection et les usines textiles du Bangladesh est marqué par les atteintes aux droits syndicaux, des salaires trop bas pour vivre et la multiplication des heures supplémentaires, un environnement de travail dangereux...

À cette dure réalité du travail ouvrier, viennent s’ajouter d’autres formes d’oppression envers les femmes : des salaires moindres que ceux de leurs homologues masculins, des discriminations, du harcèlement moral et sexuel. Sur 200 ouvrières et ouvriers interrogé∙e∙s en 2019 par ActionAid Bangladesh, 80% avaient déjà été victimes ou témoins de violences sur leur lieu de travail.

Une seule demande : la dignité 

Continuons à faire pression sur les entreprises afin qu’elles assument leurs responsabilités dans les conditions de production de nos vêtements. En France, exigeons le respect de la loi du devoir de vigilance pour que les entreprises françaises se portent garantes des droits humains dans leurs filiales à l’étranger. En Europe, exigeons une directive européenne sur le devoir de vigilance à la hauteur des enjeux et demandons à intégrer une perspective de genre à toutes les étapes pour réparer les violations des droits humains et les abus existant sur les chaînes d’approvisionnement mondiales.  

Alors que les multinationales occidentales se vantent de mettre en place des politiques RSE, aucune d’entre elles ne s’est exprimée sur les contestations qui ont eu lieu au Bangladesh. Ce sont pourtant elles qui fixent les prix du marché et poussent à maximiser la rentabilité. Un engagement de la part des multinationales pour prendre en charge ces augmentations de salaire serait une mesure plus utile et nécessaire pour le secteur.  

La mode jetable, les tendances poussées par les réseaux sociaux, la course au vêtement produit le plus vite, le moins cher, font de l'industrie de la mode et du textile un symbole du consumérisme effréné... et de l'exploitation au travail.

Nous soutenons les luttes qui vont dans le sens d’une amélioration salariale et d’une amélioration des conditions de vie des personnes qui produisent nos vêtements. Sur une des pancartes tenues par une des manifestantes dans les rues de Dhaka nous pouvions lire cet automne : “I don’t want to die for fashion” - “Je ne veux pas mourir pour la mode”... Il est temps de ré-équilibrer les relations commerciales et d'imposer le respect des droits humains, dans les usines du Bangladesh comme ailleurs.

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