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Billet de blog 11 octobre 2022

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Victimes de la mode. Enquête au Bangladesh et au Cambodge

La pandémie de Covid-19 - et le manque de solidarité internationale - ont appauvri et endetté des milliers de familles dont les ressources dépendent du prêt-à-porter au Cambodge et au Bangladesh.

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Les nombreuses fermetures de boutiques en Europe et aux Etats-Unis ont eu un impact considérable sur la vie de milliers de familles, non seulement au début de la crise, lorsque des milliers de commandes ont été annulées ou n’ont pas été réglées, mais jusqu’à maintenant. L’économie du Bangladesh et du Cambodge repose en grande partie sur l’exportation de vêtements, produits par 4,22 millions de personnes au Bangladesh et plus de 800 000 personnes au Cambodge.

Et les grandes marques de prêt-à-porter, comme les équipiers sportifs ou les supermarchés pour qui ces vêtements sont produits, se sont montrées bien peu solidaires. Quelques mesures de solidarité ont été prises par les pouvoirs publics, mais elles n’ont pas suffi à empêcher le surendettement et l’appauvrissement des ouvrières, majoritaires dans ce secteur d’activité où les salaires pratiqués sont parfois inférieurs au minimum légal, et la plupart du temps inférieurs au minimum vital.

Avant la crise, Channa* était employée dans une usine au Cambodge qui fournissait notamment la marque Nike. Elle se souvient : "J’étais tellement inquiète. J’avais arrêté d’allaiter mon bébé pour pouvoir retourner à l’usine, mais on m’a dit que mon poste était suspendu. (…) Mes parents ont dû vendre leurs cochons pour m’envoyer de la nourriture et de l’argent et m’aider à gérer la situation... " Finalement, l’usine a brutalement fermé en juillet 2020, sans lui verser d’indemnités. Des milliers d’ouvrières ont dû, comme elle, s’endetter pour faire face à la perte de leur salaire, voire de leur emploi.

Shaila*, était quant à elle employée dans un atelier de confection à Dacca, la capitale du Bangladesh : "Je ne veux même pas penser à la période difficile qu’on a traversée pendant le confinement. Personne ne nous a aidés, c’était chacun pour soi. En un appel de quelques secondes, l’usine m’a renvoyée, et mon propriétaire m’a expulsée en plein milieu de la nuit."

Le rapport Victimes de la Mode présente les conclusions de 2 enquêtes menées auprès de 218 personnes employées dans les deux pays, entre mars 2020 et la fin de l’année 2021. Ses conclusions sont glaçantes :

  • Au Bangladesh, 55% des personnes interrogées ont eu faim pendant les périodes de confinement. Les personnes privées d’emploi ont dû attendre en moyenne 11 mois pour retrouver un emploi et leurs salaires ont baissé de 7% depuis le début de la crise… alors que les prix des denrées courantes n’ont cessé d’augmenter.
  • Au Cambodge, 89% des personnes interrogées ont épuisé leurs économies pour pouvoir se nourrir au plus fort de la crise, et 47% d’entre elles ont dû contracter un ou plusieurs emprunts.

D’autre part, le harcèlement et les violences, y compris les agressions sexuelles, restent tristement banales dans le secteur de l’habillement. Ainsi, 30% des ouvrières interrogées au Bangladesh, et 41% au Cambodge, avaient déjà subi des violences au travail.

Deux ans après les premières mesures de confinement et fermetures d’usine, les commandes ont repris de plus belle... mais des milliers de personnes ont été privées de leurs droits, et réclament justice. Ne laissons pas l’industrie de la mode reprendre ses mauvaises habitudes, comme si de rien n’était !

Avec nos partenaires au Bangladesh et au Cambodge, nous demandons aux entreprises du secteur, aux gouvernements de ces deux pays, mais aussi à la France et à l’Union européenne d’assumer leurs responsabilités dans les conditions de production de nos vêtements. 
Nous leur demandons d’assurer des salaires décents, une protection sociale et la fin des violences dans les chaînes d’approvisionnement 
mondiales.

Alors que le Parlement européen étudie en ce moment un projet de directive sur le devoir de vigilance des entreprises, nous recommandons d’améliorer le texte sur plusieurs points.

Nos recommandations portent sur : 

  • l’obligation de prendre des mesures de prévention dans l’ensemble de la "chaîne de valeur", c’est-à-dire dans toutes les entreprises fournissant la société donneuse d’ordre... et pas seulement chez les fournisseurs avec qui une "relation commerciale établie" existe ;
  • l’obligation d’identifier et de prendre en compte les risques spécifiques encourus par les femmes, car les répercussions négatives de certaines activités ne sont pas neutres du point de vue du genre ;
  • l’établissement d’une liste non exhaustive d’atteintes à l’environnement et aux droits humains que les entreprises doivent s’engager à prévenir et réduire dans leurs chaînes d’approvisionnement ;
  • l’obligation de consulter régulièrement les personnes susceptibles de subir ces atteintes, et les organisations qui les représentent (syndicats, organisations féministes, collectifs d’habitant·es...) ;
  • le renforcement des dispositions portant sur la responsabilité civile des entreprises et sur l’accès à la justice des victimes d’abus, sur qui ne doit pas reposer la charge de la preuve ;
  • l’inclusion de toutes les entreprises dans le champ d’application de la directive, y compris les PME, en fonction des risques dans leur secteur d’activité. 

*Les prénoms ont été modifiés pour protéger l’anonymat de ces ouvrières.

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