Le premier ministre israélien, qui s’est appuyé sur ce fanatisme religieux dans son gouvernement, répète comme un mantra que le Hamas est identique à Daesh.
Cela tient d’une manipulation sémantique qui relève de la pure manœuvre politique.
Il connait parfaitement la hantise et l’aversion du monde occidental pour Daesh et espère ainsi imposer l’idée qu’Israël mène rigoureusement le même combat contre le terrorisme islamiste que l’ensemble de la communauté internationale.
Il se fait ainsi l’économie d’admettre que le terrible massacre que ses concitoyens ont subi le 7 octobre n’est que la conséquence du pourrissement d’une situation d’occupation sur des millions d’individus depuis plus de 50 ans et dont il a été le principal instigateur. Il a activement contribué à la rage inhumaine qui ont fait agir ces criminels de Gaza, hurlant Allah akbar, en commettant l’irréparable. Une abomination pour tout musulman éclairé.
Il faut remonter aux années 90 pour situer le début du glissement religieux du conflit israélo-palestinien.
Les négociateurs du processus d’Oslo d’alors, l’OLP d’Arafat et le gouvernement Rabin cherchaient une issue politico-territoriale à ce conflit.
Mais l’acharnement hystérique des colons extrémistes Juifs messianiques, jusqu’à l’assassinat pur et simple de leur premier ministre en novembre 95, d’une part, et l’apparition des premiers attentats suicides meurtriers sur des bus, des lieux publics ou des restaurants israéliens perpétrés par les prédécesseurs des criminels du 7 octobre, fanatisés depuis des années par des prédicateurs fous qui les envoyaient au « martyr » sans aucune vergogne, d’autre part, ont eu raison de l’effort inouï qui était en cours pour l’aboutissement de ce processus de paix.
En août 2000, alors qu’une ultime tentative de résolution, sous l’égide du Président américain Clinton, à Camp David, on s’est remis à y croire vraiment car le premier ministre israélien d’alors, Barak avait fait des concessions inédites aux Palestiniens.
Mais un mois plus tard, il n’a pas fallu plus de prétexte que la décision d’Ariel Sharon, alors politicien de la droite dure, de provoquer les Palestiniens en allant fouler le sol de ce même lieu, que les Musulmans nomment l’Esplanade des Mosquées et les Juifs le Mont du Temple, pour que la foule palestinienne se déchaine pour engager ce qu’ils ont désigné comme l’ « Intifadat El Aqsa », du nom de la Mosquée Sacrée, troisième lieu saint des Musulmans..
D’un immense espoir à la fin du mois d’août 2000 nous avons basculé le mois suivant vers une impitoyable confrontation armée entre les 2 peuples, chacun investis par une frénésie mystique.
Après avoir difficilement mis un terme à ce soulèvement au bout de trois années sans aucune concession, le nouveau premier ministre israélien, le même Ariel Sharon, pris la surprenante décision 2 ans plus tard d’évacuer définitivement la bande de Gaza de toutes ses colonies. Une décision unilatérale sans aucune prise en compte de l’Autorité palestinienne.
Il s’agissait de maintenir cette population sous contrôle à distance. L’eau, le carburant, l’électricité, les denrées, les matériaux de construction, tout cela dépend jusqu’à ce jour du bon vouloir de l’Etat d’Israël, jusqu’à la monnaie qui circule à Gaza qui est encore la monnaie israélienne : le Shekel.
Vint Netanyahou qui, sûr d’avoir définitivement maté les velléités palestiniennes, a multiplié les colonies en Cisjordanie, où plus de 500 000 habitants y sont aujourd’hui installés. Les forces d’occupation maintiennent les populations avec vigueur, les soi-disant « frères arabes » ont signé des traités de « normalisation » avec Israël, sans aucune concertation avec les Palestiniens qui n’intéressaient plus personne.
Le monde observait tout cela avec une placidité déconcertante, et la droite messianique, intégrée par Netanyahou dans son gouvernement à des postes clés, pouvait commencer à envisager une annexion pure et simple des territoires occupés quitte à transgresser sans vergogne le projet originel d’un « Etat Juif et Démocratique ».
Tandis que le contrôle israélien de Gaza, dirigé par le Hamas qui s’était cruellement débarrassé du Fatah, perdurait comme à son origine.
Jusqu’à ce 7 octobre 2023.
Il ne fait aucun doute que si cet horrible bras de fer apocalyptique, appuyé sur ce double extrémisme religieux perdure après cette horreur à laquelle nous assistons depuis le 7 octobre et qui se poursuit à Gaza pour encore longtemps, je le crains, cela pourrait précipiter la fin de cette incroyable aventure qui vit le jour en 1948 qui fut l’avènement d’un Etat devenu florissant construit par un peuple qui avait survécu à un génocide presque totalement abouti.
De la même manière que la cause palestinienne a pris tout son sens et son essor lors de l’avènement de cet Etat, ce serait un leurre de croire qu’un Etat palestinien pourrait exister sur les ruines d’un Israël vaincu. Ni les Jordaniens (dont plus de 60 pour cent de la population sont Palestiniens), ni les Egyptiens qui ont tous deux occupé ce peuple avant la Guerre des 6 jours ne leur ont proposé alors la moindre avancée vers un Etat indépendant. Bien au contraire, ils ont occupé les Palestiniens d’une main de fer et redoutaient tout autant qu’Israël la création de leur propre Etat.
Les deux camps auraient donc tout à perdre.
Et tout à gagner à aboutir aux 2 Etats qui, ensemble, ont un potentiel énorme pour développer des projets communs déjà en gestation depuis longtemps et offrir enfin un avenir apaisé à toute cette région.
J’écris ces mots, moi Israélien, combattant pour la Paix depuis des décennies, les yeux embués et l’âme meurtrie, mais je m’efforce de garder une confiance presque désespérée en ces deux peuples dont je sais aussi les lumières qu’ils recèlent.
Elles se doivent de reprendre le dessus.