Monsieur Estrosi,
Le 13 juillet vous demandiez par écrit au Président, de « soulager le travail des policiers nationaux », que la « politique sociale des policiers » soit améliorée et qu’ils soient « enfin protégés ». Vous souhaitiez l’intervention des polices municipales, en leur permettant notamment de faire des contrôles d’identité et d’avoir accès à certains fichiers.
Le lendemain 14 juillet, les morts et les blessés à vos pieds, vous pointiez la responsabilité, l’unique responsabilité, du pouvoir en place. Vous aviez pourtant l'air affecté. La priorité était-elle à la polémique?
Serais-je assez infatuée de moi-même pour ne pas partager vos inquiétudes ? Puis-je me réjouir des barbaries que nous vivons sur notre territoire ? Sur votre commune ?
Et pourtant, Monsieur Estrosi, la ville de Nice est la plus surveillée de France. Quelques heures après les faits, les actes de ce terroriste y ont été repérés. Mais avant le drame, avez-vous détecté qu’il s’agissait d’un fou ? Il avait été arrêté, semble-t-il, pour faits avec violence. L’avez-vous reconnu à chaque fois qu’il passait sous l’une de vos multiples caméras ? L’avez-vous signalé lorsqu’il a déposé ses armes dans ce funeste véhicule et lorsque, à 22 heures, il y est monté ? Qui vérifie, 24 h sur 24 vos caméras et les déplacements des individus sur votre territoire? Qui visionnait la course rapide du camion et l'a signalée aux forces de sécurité pour l’arrêter? PERSONNE !
En vérité, Monsieur Estrosi, qui peut savoir ce qu’il y a dans une tête ? Même avec un policier derrière chacun des soixante millions de français, et un policier derrière chaque touriste ? Il faut peu de moyen, vous le constatez, pour faire d’un individu le plus grand tueur qui soit.
En vérité, Monsieur Estrosi, nombre des politiques ont dénoncé les restrictions de liberté dans le cadre de l’état d’urgence. Or; circuler sous l’œil permanent de Big Brother comme à Nice n’est-ce pas un viol de la liberté d'aller et venir? Ces mêmes politiques ont contesté les prolongations de cet état d'urgence. Il me semble facile de toujours refuser pour des raisons politicardes puis sans cesse critiquer ! Il est facile de se défausser sur le seul Etat alors que le Maire doit, de par ses pouvoirs de police, assurer la sécurité des réunions ! Est-ce bien à l’État de définir le type de barriérage à poser ? J’arrête, parce que j’en ai la nausée. Parce que j’ai mal à ma République .Oui, nous sommes attachés aux libertés. Ceux qui sont morts à Nice y étaient aussi. Et pourtant, le seul qui en ait joui est celui qui a tué, sans âme, sans loi, sans raison autre que la haine.
Je ne crois pas à l’unique pouvoir de la répression -néanmoins nécessaire et indispensable-. Je crois en la force de l’éducation, celle qui intègre, qui admet des droits dans le respect de chacun et enseigne les devoirs. Mais voilà, depuis trop d’années, on apprend le mépris voire l’ignorance. Certains édiles se permettent d'insulter en imitant le langage supposé des banlieues ! Vous rappelez-vous la bataille des députés à peine revenus de "l'entente cordiale" de Versailles? A l'inverse, des religions de l’extrême font miroiter le bonheur, la solidarité et prédisent des au-delà merveilleux. Alors à force de montrer les pires exemples avec ces guérillas de pouvoir, la boîte de Pandore s’est ouverte, déversant la mort sur nos parents, nos amis, nos frères, nos enfants.
Pourtant, Monsieur Estrosi, après les dernières élections, vous disiez avoir compris. Mais compris quoi ?