
À partir de 2014, François Boulo commence à étudier le budget de l'État français et à écouter des conférences d'Emmanuel Todd, de Frédéric Lordon et de Michel Onfray[réf. nécessaire]. Il écoute des débats politiques ayant eu lieu depuis les années 1970 pour s'imprégner de connaissances politiques et économiques[2], notamment sur l'économie réelle[6].
Il se dit sans engagement politique ni syndical[4] et sans religion[2]. Admettant faire partie d'un milieu relativement favorisé, il déclare « défendre les gens menacés de saisie de leur maison contre les banques »[2]. Il dénonce les « dispositifs fiscaux contreproductifs du gouvernement Macron, au bénéfice des 1 % les plus riches, et au détriment des services publics et des PME »[2]. Il se considère « pourfendeur d'un gouvernement des ultrariches »[2], pensant que c'est ce gouvernement même qui conduit à ce que le phénomène de l'extrême-droite s'amplifie. Pour lui, « le problème n'est pas l'immigré, c'est le banquier, c'est-à-dire l'indépendance de la Banque centrale européenne »[2]. Il prône « une autre UE »[2] et déplore avoir voté « oui » au référendum pour la constitution européenne en 2005[2].
https://everybodywiki.com/Fran%C3%A7ois_Boulo
Frédéric Lordon
Figures du communisme
La Fabrique
282 pages
ISBN : 9782358722131
PRÉSENTATION
Le capitalisme détruit les existences. Il les détruit même deux fois.
D’abord d’angoisse et de précarité en remettant la survie matérielle des individus aux mains de deux maîtres fous : le « marché » et l’« emploi ».
Ensuite en rendant la planète inhabitable : surchauffée, asphyxiante, et désormais pandémique. Il faut regarder ces faits bien en face et s’astreindre maintenant à un exercice de conséquence.
1/ Le capitalisme met en péril l’espèce humaine.
2/ En 40 ans de néolibéralisme, l’espace social-démocrate où se négociaient des « aménagements » dans le capitalisme a été fermé : ne reste plus que l’alternative de l’aggravation ou du renversement.
3/ Il ne faut pas douter que la minorité qui en tire avantage soit prête à tout pour se maintenir.
4/ Sortir du capitalisme a un nom : communisme.
Mais sortir du capitalisme demeure un impensable tant que le communisme demeure un infigurable.
Car le communisme ne peut pas être désirable seulement de ce que le capitalisme devient odieux. Il doit l’être pour lui-même.
Or, pour l’être, il doit se donner à voir, à imaginer : bref se donner des figures.
La fatalité historique du communisme est de n’avoir jamais eu lieu et pourtant d’avoir été grevé d’images désastreuses.
À la place desquelles il faut mettre enfin des images de ce qu’il pourrait être lui, réellement.
Frédéric Lordon est chercheur au CNRS.
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Page 16 - 17
Ici l'idée centrale, celle autour de laquelle s'organise des figures possibles du communisme, est emprunté au travail de Bernard Friot.
Friot la nomme "salaire à vie" mais c'est un choix qui, s'il a pour lui de bonnes raisons, n'en a aps moins créé nombre d'inutiles malentendus.
On lui préférera : "garantie économique générale" (pourvu que le changement d'appellation ne fasse oublier la réalité de la paternité).
Le système de la garantie économique générale a pour visée de nous libérer de deux maîtres fous : le marché et l'emploi capitalistes.
Avec un remarquable pouvoir de concentration (mais aux innocents les mains pleines), un seul titre de presse récemment glané résume à lui seul le tréfonds de l'aberration présente: "Le marché automobile français a régressé en 2020 à son niveau de 1975".
Relisons avec soin pour être bien sûr de comprendre : produire beaucoup moins de voitures, c'est à dire beaucoup moins de petites machines ambulantes à cracher du CO 2, au prix de beaucoup moins d'extractions, puis de déchets, n'est pas du tout un progrès, c'est même tout le contraire : "régresser".
Mais voici le pire - en fait le plus vicieux : ce qui, en réalité, devrait être tenu pour une excellente nouvelle n'en est pas moins objectivement un désastre : pour les salariés du secteur automobile.
Un système d'ensemble qui lie de cette manière les deux évènements, d'une part un soulagement pour l'environnement, d'autre part d'une catastrophe pour les salariés, qui est incapable de faire que l'un ne conduise à l'autre et vice versa, un tel système, en effet, doit être dit vicieux.
C'est le système du marché et de l'emploi capitalistes.
Et c'est cela qu'il faut détruire.
Pages 17-18
A sa place, ma garantie économique générale instaure la déconnexion de l'activité et du revenu, la propriété collective d'usage après abolition de la propriété privée des moyens de production, la souveraineté des producteurs associés, la fermeture complète de la finance, un système fédéral de caisses pilotant le subventionnement des investissements et les décisions d'orientation de la division du travail.
La division du travail, justement : c'est sans doute l'une des questions centrales dans toute l'affaire, l'une des moins posées aussi, en tout cas dans les secteurs de la gauche anticapitaliste qui ne regardent que les expériences d'autonomie.
Non pas que celles-ci ne soient pas d'un grand intérêt, mais elles ne peuvent certainement pas suffire à soutenir seules un nouveau mode de production.
Car c'est bien d'un mode de production qu'il s'agit de reconstruire, à la hauteur de notre désir matériel, lui-même rediscuté à la lumière de la menace qui pèse maintenant sur la planète - ou plutôt : sur nous sur la planète.
A la lumière aussi de nos habitudes anciennes, de ce que nus pouvons en abandonner et de ce que nus ne pouvons pas.
De toute cette discussion, et d'autres encore, au moins aussi délicates, il résultera un certain niveau de forces productives adéquat à ce désir matériel raisonné, et une certaine manière de nous organiser à toutes les échelles, y compris macrosociale, pour le soutenir.
Certaines traditions de pensée se perdant, et la perspective révolutionnaire sortie depuis si longtemps de nos horizons, toute une partie de la gauche radicale a voulu penser le salut dans les communautés de petite taille, l'horizontalité, et l'oubli de l'"économie".
Mais l'"économie", elle, ne nous oubliera pas, et pur une excellente raison : elle consiste simplement en l'ensemble des manières dont nous faisons collectivement face à la nécessité de persévérer matériellement.
Nous sortirons de l'économie capitaliste.
Mais certainement pas de l'économie tout court, dont les questions continueront de se poser à nous.
Et dont les réponses s'expriment dans des termes auxquels on n'échappera pas, "forces productives" et "division du travail" notamment.
La proposition du présent ouvrage tient qu'il est des possibilités de manipuler ces termes d'une manière qui laisse toutes leurs chances aux puissances de la vie humaine.
Pages 18-19
Usuellement la sociologie vit ce petit drame que chacun voit les choses du monde à sa porte.
Notamment les "urgences".
Par exemple, pour le bourgeois urbain à conscience, l'urgence, c'est "la planète".
Pour certains Gilets Jaunes, c'était plutôt de trouver de quoi manger dans les deux jours.
A la violence avec laquelle la crise économique Covid va cogner, ce genre-là d'urgence, déjà bien installé, est promis à un extension foudroyante, le nombre des personnes précipitées dans l'angoisse du lendemain certain d'exploser.
On pensait al misère un phénomène tout à fait regrettable mais réservé aux "marges", dont, par conséquent, on pouvait se désintéresser après avoir offert une émotion.
Mais la fiction des "marges" se met à souffrir quand des pans entiers de la société s'apprêtent à basculer dans les soupes populaires, Emmaüs et les restos du cœur.
Littéralement parlant, elle devient une autre société - par là, peut être, prête à envisager d'autres choses.
En tout cas à avoir les oreilles différemment orientées.
Quand l'angoisse des lendemains devient ravageuse au point de faire douter de la subsistance quotidienne, voire du simple fait d'avoir un toit, l'écoute se modifie, l'idée de la tyrannie capitaliste, celle du "marché" qui peut naufrager d'un coup un secteur entier, et celle de l'"emploi" qui en fait fait toujours payer les pots cassés aux salariés, cette idée peut recevoir une attention nouvelle.
Il ne reste alors qu'à enchaîner logiquement d'une première idée à une deuxième, etc.
Pour peu que les inconséquences ne se mettent pas en travers.
On les reconnait à ce que eux-mêmes bien installés, et quoique allant répétant sans cesse qu'"il sera bientôt trop tard", ils pensent fondamentalement, avoir encore le temps, celui de faire durer encore un peu un mode de vie qui, somme toute, leur réussit assez bien.
C'est à eux, et à leurs tours dilatoires, que ce livre voudrait couper la route.
Pour les forcer à regarder.
Le capitalisme nous détruit, il faut détruire le capitalisme.
Il n'y a pas d'échappatoire, les fausses solutions sont fausses.
Pages 19-20
Mais la sociologie qui, donc, a ses petits drames a aussi ses petits miracles : à la faveur de la crise Covid, et si différentes qu'elles soient, les deux urgences, celle de la planète "bientôt il sera trop tard mais on a quand même un peu de temps" et celle de devoir manger qui, elle, n'attend pas, pourraient bien trouver à se rencontrer.
Et la seconde à gentiment pousser au train la première, histoire qu'elle se presse un peu.
Peut être faudrait-il songer à faire quelque chose de ces retrouvailles d'urgences que tout sépare d'ordinaire.
On dira que les rapprochements ont déjà été esquissés : "fin du monde, fin de mois, même combat".
Mais, dans une certaine lecture au moins (dont il y a lieu de craindre, qu'elle soit la plus fréquente), la formule même trahit ses impensés.
La "fin du mois", c'est le salaire ; et le salaire, c'est l'emploi capitaliste.
On comprend qu'on s'est mis à la recherche de la solution qui va simultanément sauver le monde de la destruction et remettre à flot le salaire (capitaliste).
C'est à dire empêcher la fin du monde, mais depuis le capitalisme.
Bref, et sauver le monde et relancer le capitalisme.
Ou, plus ramassé encore : sauver le monde capitaliste.
Si tel est bien le projet, il est en contradiction dans les termes.
Bien sûr tout le barnum de la transition est là pour nous convaincre du contraire : on va transitionner - mais à l'intérieur -, et tout ira bien.
La conception du rapprochement des urgences développée ici tient que nous sommes arrivés au point où il n'y a plus de "transition" que par le dehors, c'est-à-dire de transition vers autre chose que le capitalisme.
Et que la conjonction de la planète dévastée, des pandémies qui suivent de cette dévastation, et des massacres sociaux qui suivent à leur tour des pandémies, créent, pour la première fois peut être, les conditions d'une saisie synthétique du "problème".
Ainsi qu'une idée plus juste du type de "transitions" qu'il appelle.
Ce n'es pas tant l'aspiration à la transition (la grande) qui depuis longtemps a manqué qu'une idée de sa destination
Le moment, à l'évidence particulier, que nous vivons n'est pas le plus mal choisi pour contribuer à en former une. Et à la dire.
Ou plutôt : à la montrer.
A bientôt.
Amitié.
