S'il y a une population avec laquelle on a de plus en plus de mal à discuter c'est bien celle qui vote pour le front national. Les fâchés pas fachos diront certains, mais aussi les fâchés en voie de le devenir, voire les fâchés qui ont carrément basculé.
Pourquoi le nationalisme
Pourtant il y en a des thèmes qui pourraient nous réconcilier, ou au moins sur lesquels se rejoindre. Mais pour cela, il faut faire un pas vers l'autre, prendre le temps et l'énergie énorme de s'y rendre. Mais pas simplement pour expliquer doctement, avec notre air de supériorité morale et intellectuelle à ceux qui n'ont rien compris, mais surtout pour entendre et tenter de comprendre, de se faire expliquer pourquoi le choix du repli et de la méfiance.
Et ici le nationalisme peut être intéressant. C'est d'abord, comme souvent dans l'histoire, une idée de gauche, voire d'extrême-gauche, en opposition au royalisme, premier (?) internationalisme. Le nationalisme a permis des révolutions progressistes, des avancées politiques et sociales, des indépendances, de l'émancipation. Mais aussi il a été le lit des pires excès, dont les fascismes et l'éradication de ceux qui ne seraient pas de "bons" nationalistes. Et aujourd'hui, on le goûte à toutes les sauces, mais on a l'impression qu'elles se mélangent dans une soupe que certains qualifieront de rouge-brune. Mais ceux-là enterrent d'avance l'enjeu, comme si l'on parlait là d'un siècle dépassé, de cette idée naïve que le temps ne va qu'en s'améliorant, que "en 2024 quand même on ne devrait plus [insérer n'importe quelle idée vite pensée]". Ceux-là ont renoncé à aller parler à leurs semblables, et parions qu'à l'instar des soixante-huitards vieillissants, ces "purs" vireront leur cuti avec l'air du temps.
Alors s'il est nécessaire de se retrouver sur des sujets, de se trouver un langage commun, et qu'il faut commencer avec les termes salis par l'ennemi, il va falloir les expliquer. Et pour cela il va falloir des concepts solides. En effet, comme souvent décidément, on ne peut comprendre le nationalisme sans lutte des classes, au risque qu'il nous explose en pleine poire.
La lutte des classes, concept à retrouver.
Le nationalisme aujourd'hui se confond avec le patriotisme, le chauvinisme et ses sentiments premiers d'appartenance qui nous font dire "on a bien joué, on a gagné" après un match de l'équipe de France. Sans appartenance, pas de construction d'identité. Personne ne sort de nulle part, il n'y a pas de génération spontanée. Nous sommes tous issus du chou d'un champ, d'une terre, d'un lieu. Aimer cette terre et ceux qui l'ont travaillée n'est jamais une faiblesse. Ce sentiment ne devient problématique que lorsqu'il se contracte, qu'il se rabougrit pour devenir un rejet de l'autre, de celui qu'on ignore, du voisin d'à côté qui ne tond pas comme on devrait.
L'appartenance est un tuteur à la construction de l'homme. Pour autant ça n'est pas le tuteur qui fait la rose, il n'est là que pour l'orienter et il n'y a que les mauvais jardiniers qui les confondent. Il ne s'agit donc pas d'être pour ou contre le nationalisme, il s'agit de bien choisir quoi dans le national et de savoir reconnaître où sont les valeurs.
Et pour cela il faut une boussole. Pour se repérer dans un tel enchevêtrement de nœuds et d'histoires incohérentes, il faut des repères stables. Et quoi de mieux que la lutte des classes pour cela ? Quand vous avez un doute sur une question relisez-la à l'aune de ce concept et tout s'éclairera.
Pour la résumer à l'extrême, disons que toute société humaine est divisée en classes sociales différentes en autorité et en patrimoine, mais aussi en valeurs. Et que chacune des classes lutte pour elle-même, le plus souvent contre les autres.
Si bien que quand on regarde vraiment, le nationalisme n'existe quasiment pas. Le plus souvent on a des internationalismes de classe. Ceux qui nous vantent la grandeur de la France, souvent sont en fait des internationalistes des classes de pouvoir. On les retrouve à faire des alliances avec leurs homologues de classe à travers le monde ; regardons les partis racistes qui pourtant s'entendent comme larron en foire avec leurs amis autrichiens, argentins ou autres. Au pouvoir ceux-là ne s'y trompent pas : ils ne s'attaquent pas entre eux. Franco, Hitler, Mussolini étaient alliés. En revanche ils ont décimé leur propre nation, assassiné leurs frères et sœurs de terre car ils n'avaient pas la même vision de classe. En fait ils détestent tellement leurs pays qu'ils préfèrent le sacrifier et en détruire l'âme pour leur petit sentiment de réussite personnelle, écraser pour se trouver grand, surtout quand on se sait médiocre.
Toutes les tyrannies assassinent les nôtres, ceux qui travaillent à l'épanouissement pour toutes et tous, au progrès social, à la liberté, à l'égalité et surtout à la fraternité.
Mais on l'a dit toutes les classes ont leur internationalisme. Celui qui a le plus notre faveur est sans doute celui de l'extrême-gauche, en fait solidarité avec les opprimés de tous les pays. Et donc plus haut représentant des valeurs françaises inscrites au frontispice de nos écoles et de nos mairies.
Alors finalement le nationalisme ?
Finalement le nationalisme devrait être pour nous l'occasion de discuter, préalable démocratique avant de décider ensemble, même avec ceux qu'on pourrait qualifier de "pires". Car avec le nationalisme on voit les vrais fondements, et bien souvent ici aussi c'est ceux qui en parlent le plus qui le font le moins. La France aux Français comme le dit le slogan raciste pseudo-nationaliste, mais en fait dès qu'il faut agir concrètement la parti de Le Pen s'aligne toujours sur l'internationalisme capitaliste et fait fi des intérêts des Français car ce parti en réalité déteste la France et son rayonnement progressiste.
Et concrètement ?
Pour conclure, cette petite note est évidemment succincte et vulgaire et n'est en fait qu'une introduction pour pouvoir renouer le dialogue comme nous y invite Mediapart. Mais on aimerait en retenir, d'abord qu'il ne faut pas avoir peur du nationalisme pour pouvoir ensuite aller sur d'autres notions, et ensuite que la lutte des classes devrait revenir à la mode pour qu'on puisse mieux comprendre notre monde actuel. Enfin, le nationalisme c'est bien beau mais concrètement à quoi pense-t-on ?
Il y aurait sans doute de nombreux exemples mais pour nous, le plus important et le plus représentatif ce serait les services publics.
Quoi de plus français que les services publics qui ont fait la grandeur de notre nation au siècle dernier ? Si on y pense la spécificité française n'est pas seulement dans la baguette ou le poulet du dimanche, c'est aussi un système sanitaire qui fut le meilleur du monde, un système scolaire qui permettait peu ou prou à chacun d'étudier. Bref, les services publics travaillaient quotidiennement à l'émancipation de chacun et participaient du rayonnement français ; on entendait régulièrement "ce service public [X] que le monde entier nous envie". Terminé, plus personne ne nous envie rien du tout. Et si la France redevenait un phare? Et si on réhabilitait les services publics, grandeur de notre nation ?