Billet de blog 15 août 2024

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G comme Grand-Mères

Oui, j'ai bien dit Grand-Mères ! Elles ont une place d'honneur dans mon abécédaire.

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Qu'ont-elles à faire - les Grand-Mères - dans un abécédaire dans lequel les mots seraient à redéfinir, leurs sens repensés, et proposerait une nouvelle orientation citoyenne?

Redéfinir le sens de ce mot figé dans la signification d'un état ? Non ! d'autant plus que je n'ai eu qu'une Grand-Mère et que je ne peux pas être objectif.

Serais-je né chez les Bettencourt, qu'aurais-je dit à cette grand-mère : 

"Oh Mère- grand, vous n'êtes qu'une vile capitaliste ! Reprendrez vous une infusion ? "

Honorer la mémoire ? Ériger un monument épistolaire ? Plus que ça !

Témoigner du sacrifice de générations pour lesquelles le bien, le devenir des petits-enfants était le but de la vie.

Il n'y a pas d'âge pour devenir grand-mère, si je pars d'un âge moyen, disons 50 ans, selon les statistiques de l'Insee, pour 2024 j'arrive à 15 116 603 millions de potentielles  grand-mères…..Un électorat à choyer !

Illustration 1

Alors ramené à un cas particulier:

Ma Grand-Mère naît en 1899 en pleine campagne, chez ceux que Rabelais nommaient nations barbares " les nations barbares, Poitevins, Bretons, Manceaux …." ou que Victor Hugo nomma " pourceaux". Tous les voyageurs érudits ne seront pas plus tendres dans leurs commentaires, les exemples sont foison.

Dans "par les champs et par les grèves" Gustave Flaubert et Maxime Du Camp, en 1847 se décrivent en êtres doués de raison" et décrivent sans fioritures, sans exagérations mais avec une pointe de mépris la bêtise, la crasse les gens en guenilles et même la " (une ) modestie si bête ".

Jean Marie Deguignet dans son " mémoires d'un paysan bas-breton" ( 140.000 exemplaires vendus ) n'épargnera pas ses compatriotes ni d'ailleurs les "grands" de son monde, le président   fantoche de la république du Mexique  (1861-67 -  le tyran imbécile de la France )  ou les gradés lors du siège de Sébastopol ( "des lions commandés par des ânes" )  lors de la guerre de Crimée ( 1853-56 ).

Un spectacle intitulé " la ballade de Jean-Marie ", basé sur ses mémoires et programmé en 2001 dans la cathédrale de Quimper dans le cadre des Festival de Cornouailles, sera interdit par l'évêché de Quimper, ce qui n'avait ps été le cas dans la cathédrale du Havre….


Revenons à la montagne noire, le centre du Finistère rural,  mon arrière-grand-père perd sa femme.

La perte de son cheval est à cette époque plus grave que celle de sa femme, on fait son deuil, et on se remarie éventuellement…

Qui aura la patience de lire les trois tomes de "fils de plouc"  de Jean Rohou  en aura un éminent témoignage sur l'époque.

Une grand-mère bretonne me confiait il y quelques années que gamine, elle devait aider à la récolte du goémon, l'eau salée et froide jusqu'au ventre, rentrée à la maison elle voulait se laver. Son père la rudoya avec cette phrase: " il n'y a que les p… qui se lavent !!"


Mais l' arrière-grand-père plongera dans le désespoir et l'alcoolisme. A sa mort, la soeur aînée s'occupera un temps de sa soeur cadette et de ses deux frères plus jeunes jusque ce qu'ils soient dispersés dans des orphelinats, ma grand-mère se retrouvera dans l'orphelinat de Bethléem - non pas en Cisjordanie, mais à Nantes.

Orphelinat tenu par des bonnes soeurs qu'elle qualifiera plus tard de "peaux de vaches "!!!

Elle y restera pendant la guerre 14-18.

1924 : Mariage avec un matelot mécano

1934 : elle devient mère à son tour 

1937 : elle quitte le domicile conjugal ( quelque part chez les Ch'tis ) avec sa fille et revient en Bretagne… Il y en a certainement eut d'autres pour faire cet acte courageux, mais dans un milieu pauvre c'était plutôt le mari qui se débinait, soit physiquement soit dans l'alcool. 

La photo amputée de la partie gauche, de celui tombé dans l'anonymat, la montre avec ma mère. J'adore cette photo.

Illustration 2

1945.47 De fille, notre Mère deviendra double fille-mèr

e.

1954. Décès de notre mère. Grand-mère prend le relais et refuse les propositions de notre placement en orphelinat, et nous élèvera  jusqu'à pratiquement notre majorité enfin 17-18 ans…

Un destin parmi tant d'autres ingrat, injuste, révoltant !

La misère des paysans au début du 20e siècle interdit de pratiquer leur langue maternelle.

Endurer  les privations de deux guerres mondiales

Subir l'opprobre de la bourgeoisie

Devoir quémander l'aide sociale 

Les enterrements et visites de cimetières en guise de temps libre

Mourir à l'hôpital de maladie dans l'indifférence.

Alors le propos n'est pas de pleurnicher sur le passé, mais bien de ne pas perdre de vue qu'un recommencement ne doit pas avoir lieu. N'en déplaise aux partisans de ce néolibéralisme criminel, gérants de "résidences de seniors" de crèches, d'écoles privées, de centres de réhabilitation etc.... ces Tartuffes et Thénardiers modernes, ces gérants d'Auberges rouges!

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