Billet de blog 27 août 2024

Shaqy

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S comme stigmate

Il y a presque cinquante ans, le sociologue Erving Goffman publiait « Stigmate », ouvrage dans lequel il montrait que l'insistance sur des caractéristiques infamantes avait pour effet de situer par rapport à une norme, et in fine de hiérarchiser les individus...

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Le stigmate, terme originellement dédié aux blessures du Christ dans la foi chrétienne, a connu une laïcisation et est entré dans le vocabulaire commun. Désignées comme boucs émissaires, comme a-normales, les minorités de tous genres en ressentent souvent le poids. De manière générale, en sociologie, on appelle stigmate ce qui peut discréditer un individu.

Les dominé·es ont pris l’habitude de retourner ces stigmates, afin de se les réapproprier. Ainsi en est-il, à des degrés divers, de la négritude, du mouvement queer, des professionnelles du sexe, etc.

Comme il a eu sa période où il taxait tout opposant d’« islamo-gauchiste », le camp réactionnaire a depuis quelque temps sa période « anti-woke ». Un discours qui est allé jusqu’à trouver un écho chez certain·es camarades de gauche… Mais quel mal y a-t-il à être « éveillé·e » aux inégalités, pourtant omniprésentes, que l’on constate au quotidien !

De son côté, consciente des stigmates causés par l’histoire et ses discours, l’extrême droite française, du moins une partie (le FN devenu RN en tête), a entrepris sa fameuse dédiabolisation, bien aidée par des médias complaisants. Cela ne l’empêche pas d’adopter une posture victimaire, avec d’autant plus d’aisance que les stigmates avancés sont souvent imaginaires : combien de fois avons-nous pu assister à ces complaintes d’éditorialistes, responsables politiques et autres influenceurs·euses, déplorant sur toutes les chaînes, ondes, papiers, de n’être jamais invité·es nulle part. En guise d’exemple, citons ici Dora Moutot et Marguerite Stern, bien trop présentes médiatiquement pour la sortie de leur torchon livre transphobe, si peu contredites par des arguments pourtant faciles à avancer pour quiconque aurait préparé son interview… et n’aurait pas pour dessein d’apporter de l’eau à leur moulin. Ajoutant de la souffrance à la souffrance, les stigmates portés sur les concerné·es sont eux bien réels. Et potentiellement lourds de conséquences.

Au stade actuel de la bataille culturelle, se voir présenté·e comme syndicaliste, gréviste, fonctionnaire, chômeur ou chômeuse, féministe,… s’avère stigmatisant dans des contextes bien trop nombreux. Ces termes, en plus d’essentialiser, n’ont pourtant rien de honteux. Créer et participer à un collectif ou bénéficier de la solidarité nationale, dans une société saine, ne serait pas une tare ; les débats citoyens porteraient davantage sur les idées et réalisations et moins sur les individus.

Se revendiquer comme faisant partie du camp social n’est pas un stigmate. Ce ne doit pas le devenir ; nous n’aurons pas à le retourner. C’est au reste de la société de changer son regard : accompagnons-la.

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