« Qu’est-il arrivé dans le monde après la guerre et l’après-guerre ? La normalité. Oui, la normalité. Dans l’état de normalité, les gens ne regardent pas autour d’eux : tout, autour d’eux, se présente comme « normal », privé de l’excitation et de l’émotion des années de l’urgence. L’homme tend à s’endormir dans sa normalité, il oublie de réfléchir sur lui-même, il perd l’habitude de se juger, il ne sait plus se demander qui il est (1)
Pasolini, « La rabbia »
La palinodie - le mot que je relis aujourd’hui - se définit comme une rétractation, une contradiction de soi à soi, un changement d’attitude, d’opinion.
Récemment, dans mon entourage, il y a eu cette “crise du consensus”. Disons plutôt qu’avec un peu de lucidité, certaines évidences se sont imposées à moi. Sans tomber dans l’hyperbole, je dirais que dans le discours de mes proches, j’apercevais les prémices du “culte du consensus” bien établi sur la peur du conflit, la déstabilisation du noyau familial dicté par des générations et des générations, produit d’un déterminisme social par excellence. Être en désaccord, au sein de ma famille est un fait, mais ce désaccord a toujours dû rester sensiblement muet. Dans ce besoin irrépressible de faire consensus, d’être par un processus de polissage des idées, unanimes, je vois non seulement une peur du déséquilibre, mais aussi une confusion entre la nécessité de communiquer, et celle de partager absolument le même ethos, c’est-à-dire ici, la façon de s’exprimer en vue de plaire, de faire consensus.
L’éthique du consensus, qui pour une large part trouve ses fondements dans une politique de la concorde et du compromis, ne laisse pas de place à la controverse nécessaire au débat démocratique. Politique qui prend racine dans un besoin d’une ligne normative, d’un équilibre absolu d’opinions qui vient restreindre le champ des possibles de notre démocratie actuelle. La question du qui donne le la, qui dessine la ligne à suivre ? n’est même plus posée, mais ce qui est désigné, pointé du doigt, c’est toute tentative de déplacement, de révolte qui briserait la ligne - celle du bon ton et du libéralisme moderne. (2)
Le geste de palinodier ne devrait-il donc pas tendre, comme l’invitait déjà Barthes, non à la contradiction ou au polissage, mais à son sens étymologique de “chant nouveau” ? Palinodions, comme en recherche d’une langue politique performative ; lancer une invitation à repenser l’espace politique formé par la langue.
(1) Cité dans Elsa Morante : éloge de la désobéissance : la néc… – Études littéraires – Érudit (erudit.org), Silvestra Mariniello (dans Pier Paolo Pasolini, Le belle bandiere, 1978, p. 223.) »
(2) le règne de l’utile, de l’efficacité, le culte du mérite et de la propriété privée. - et donc l’équilibre.