Depuis 2007, l'agence européenne de sécurité alimentaire (Efsa) a décidé d'évaluer l'innocuité des bactéries, levures, et moisissures présentes dans plus de 400 fromages différents. Le célèbre fleuron de notre patrimoine national serait-il nocif pour la santé ?
«Les fromages sont un écosystème très compliqué», souligne Jeanne Ropars, doctorante au département "Systématique et Evolution" du Muséum nationale d'histoire naturelle. Pour obtenir le précieux statut de « présomption d'innocuité reconnue » qui autorise la vente sur le marché, les responsables européens de la sécurité alimentaire ont identifié tous les micro-organismes qui interviennent dans le processus de production du fromage. Cette étude, financée par les industriels fromagers, vient de franchir sa première étape. Des centaines d'échantillons anonymes de fromages industriels français ont été analysés, et les résultats mis en ligne dans la revue International of Food Microbiology. Les fabricants sont donc désormais en mesure de transmettre l'identité des moisissures présentes dans leur fromage.

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Un processus de fabrication difficile à contrôler
« La fabrication d'un fromage tient d'une alchimie très particulière et très complexe » souligne Christian Cabrol, président du Conseil national de l'alimentation. Aujourd'hui encore, et malgré une fabrication industrielle à partir de lait totalement aseptisé, les contaminations par bactéries ou moisissures présentes dans les caves d'affinement sont régulières. Le développement de la flore bactérienne peut alors entraîner des risques pathogènes, plus particulièrement pour les fromages au lait cru, appréciés par de nombreux Français. Avec une production d’environ 218 000 tonnes dans l'Hexagone, ils représentent 20 % du tonnage des fromages affinés et 72 % de la production d'AOC (appellation d'origine contrôlée).
En réalité, les risques infectieux liés à la production des fromages industriels sont assez limités, mais inévitables. Selon Christian Cabrol, « le risque d'être à zéro n'existe pas, il serait donc dommage avec ces études de mettre en péril la fabrication des fromages au lait cru ».
Maintenant que les moisissures ont été identifiées, une équipe de l'Institut National de Recherche Agronomique (Inra) devrait bientôt publier les résultats des recherches (l'ADN bactérien des différents fromages) et déterminer si les moisissures présentes peuvent parfois être pathogènes.
Espérons que l'agence européenne de sécurité alimentaire ne nous enlève pas nos précieux fromages, partie intégrante du patrimoine gastronomique de nos régions depuis déjà quelques siècles...
Loup Bureau