Laurent Eyraud-Chaume
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Billet de blog 5 mars 2013

Laurent Eyraud-Chaume
comédien/conteur au sein de la compagnie Le pas de l'oiseau, rédacteur en chef d'Alp'ternatives
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Laurent Eyraud-Chaume
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Illustration 1
aux idées : manger © 

Pris par le rythme effréné des temps électoraux, il apparaît bien difficile de faire de la politique autrement, loin de la personnalisation et de la lutte des places. Les militants de « Pour une Alternative Citoyenne à Gauche » cherchent depuis 5 ans à inventer des implications citoyennes nouvelles. Sa dernière tentative fut une véritable réussite : Aux idées citoyen-ne-s !

Il neige ce jeudi 13 décembre. On sent une petite inquiétude chez les organisateurs de la soirée. Vont-ils venir ? Avons-nous trop préparé à manger ? Et petit à petit, emmitouflés sous leurs bonnets, un panier à la main, ils arrivent, heureux de trouver chaleur et sourires. Une trentaine de personnes, des vieilles connaissances, des responsables d'associations (Slow Food, Amap, Echangeons le monde, La juncha...). On se présente, on prend des nouvelles de chacun. Et très vite, Cécile Leroux, animatrice de la soirée, nous raconte les règles du jeu. 5 tables, 3 questions, des post-it, des feutres, une grande feuille blanche sur le mur, on change de table et de voisinstoutes les 20 minutes : c'est clair nous sommes loin des meetings et de leurs estrades de spécialistes. Ici chacun est spécialiste. Cécile précise : « Nous sommes làpour amorcer un travail et tenter de trouver des solutions ! » Au menu pour cette « grande » première : Pourquoi et comment se nourrir autrement ? Quels enjeux politiques ?

Pourquoi se nourrir autrement ?

Si pour certains tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, ce n'est vraiment pas le cas des participants à cette soirée. Se nourrir est définitivement un acte politique ! Le constat est accablant et unanime d'une table à l'autre. Il faut préserver les ressources de la planète, lutter contre l'uniformisation des goûts, arrêter d'enrichir l'industrie agro-alimentaire. Consommer autrement doit être un outil pour localiser l'économie et développer des circuits courts qui assurent un revenu juste aux producteurs. Les animateurs de tables essaient avec peine de rester sur le « pourquoi » avant d'en venir au « comment »...Une réponse fuse : « Pourquoi ? Mais pour le plaisir de manger ensemble ! ». la boite de pandore de la discussion est ré-ouverte. L'un parle de retrouver les goûts des aliments alors que sa voisine insiste sur l'importance de préserver sa santé. A chaque table le mot plaisir est associé à cuisiner, prendre le temps, produit de saison, famille. Un audacieux se lance « j'ai beaucoup de chance que ma femme cuisine ! ». Silence gêné et rires sonores. On tombe d'accord pour reporter le débat sur la place des femmes à une autre soirée.

Comment se nourrir autrement ?

C'est l'heure ! « 1, 2, 3 : On change de table ! ». On prend de nouveaux post-it et c'est reparti. On glisse avec délice vers le « comment ». On s'aperçoit que chacun a sa petite idée et que son voisin de tablée est un spécialiste, lui aussi. On survole les composts collectifs, on évoque les emballages, on parle des subventions agricoles. Le débat est relancé sans mal. On sent un plaisir commun à cette ambiance studieuse. On évoque les contraintes du monde agricole. Le bio devrait être plus qu'un cahier des charges mais une éthique. La grande difficulté, c'est qu'il ne fait pas disparaître la concurrence entre paysans. Il faut aller vers plus de mutualisation et de réflexion commune. La table voisine insiste sur les solutions individuelles : il faut développer les potagers, aller sur les marchés de producteurs, prendre le temps de cuisiner. Une dame insiste « le repas, c'est la relation ! ». Voilà une affirmation qui ne provoque pas de débats : apparemment tous veulent plus de relations … et de repas.

On rechange de table. Certains en profitent pour commencer à grignoter. Dehors il neige. Les champsaurins expliquent leur lutte contre l'implantation d'un supermarché. Ils expliquent que nous devons argumenter, chiffres à l'appui, sur « qui crée le plus d'emplois ? ». Vaste débat. Une militante des AMAP se lance pour provoquer sa nouvelle tablée : « Et bien moi, je fais toujours mes course à Leclerc. C'est ma culture. J'aime la viande et je veux vivre avec les autres ! ». Personne ne tente de la convaincre mais chacun semble ennuyé avec cette vérité simple. Monte aussi à différents moments l'idée que c'est difficile pour beaucoup de se poser ces questions quand « la fin du mois arrive le 15 ! ». Il est temps de traiter le dernier sujet. 

Illustration 2
aux idées : manger © 

Quels enjeux politiques ?

Manger, c'est politique. Cette prise de conscience individuelle, cette volonté quasi viscérale de ne pas être un mouton formaté, est un moteur formidable pour trouver des solutions ici et maintenant. On évoque les cantines scolaires, les créations d'activités possibles et les canons à neige. Rapidement les discussions glissent vers des débats plus économiques et techniques : à quoi sert l'OMC ? Qu'est ce qu'un prix juste ? Comment partager la terre ? Le capitalisme brevette le vivant, rentabilise l'écologie, développe des biocarburants qui empêchent les souverainetés alimentaires. Le combat à venir marque des lignes de fractures nouvelles. Des alliances de citoyens au nord et au sud sont indispensables. La solidarité internationale doit être repensée à l'éclairage de cette nouvelle donnée : il faut sauver la planète et l'être humain dans un même mouvement, ici et là-bas.

La soirée continue : les différentes associations participantes présentent leurs actions. Un débat s'instaure sur l’intérêt de telles rencontres. Si chacun est conscient qu'il faudrait élargir le cercle des « initiés », on note pourtant l'originalité de la démarche pour un mouvement politique : associer chacun à la construction d'une pensée commune et à la transformation de la réalité. Le chemin sera long, mais à entendre les rires qui parcourent l'assemblée lors du repas qui suit, il sera joyeux ! La neige s'est arrêtée. Les paniers se remplissent de plats vides. Qui jettent les poubelles ? Qui jettent les bouteilles en verres ? Tout est politique.

Illustration 3
Bonhomme © 

4 associations au cœur du débat :

Slow food

est une association internationale, née en italie, qui développe le bon, le propre et le juste. Organisée avec des groupes locaux, ici le coolporteur, slow food tente de développer des « produits sentinelles », organise des salons du goût, partage des recettes, éduque les enfants aux goûts....

http://www.slowfood.fr/coolporteur-gap

AMAP don'Alp de Gap

est une association de consommateurs et de producteurs qui fonctionne autour d'une solidarité et d'un partage de valeurs autour d'une agriculture biologique et justement rémunérée. Elle existe grâce un engagement bénévole de nombreux citoyens.

http://allianceprovence.org

La Juncha

est une association issue d'une AMAP du Champsaur qui œuvre à faire vivre un cafépicerie qui diffuse des produits issues d'une agriculture locale. Elle développe un projet associatif d'éducation populaire porté par des consomm'acteurs.

http://lajuncha.wordpress.com/

E'changeons le monde/artisans du monde/ASPAL

est une association de solidarité internationale qui développe la vente de produits équitables issus de l'hémisphère sud. Sa boutique basée sur le bénévolat est un défi permanent. Elle est un acteur essentiel de la valorisation du commerce équitable sur le département.

http://echangeonslemonde.free.fr/

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