Mon texte a 10 ans, le sien, 20, mais aucun des deux n'a... porté a conséquence... c'est ce qu'il me semble en tout cas. Pourquoi ? Parce qu'il y a des vérités qu'on ne peut pas comprendre, qu'on ne peut pas prendre avec soi, dont on ne peut rien faire.
En faire quelque chose serait rompre de manière violente avec le monde. Briser, faire voler en éclats, le discours qui fabrique et refabrique le 'monde' chaque jour et dont nous sommes une part, une voix... dans la mesure ou nous sommes incapables de nous taire.
Comprendre ces mots, ces phrases, les faire siens, siennes, nous amènerait a parler faux, un peu comme le vice consul de Lahore, dans India Song de Marguerite Duras. Et parler faux entraine –automatiquement– l'exclusion. Mourir pour des idées, d'accord, mais de mort lente, chantait Brassens. S'exclure du monde pour des idées ne suscite guère d'enthousiasme non plus. Mieux vaut continuer a faire semblant de croire. Mieux vaut le mensonge, si nous pouvons au moins le partager.
Pourtant… aujourd'hui nous vivons un moment exceptionnel ou pour la première fois semble s'ébaucher entre nous, comme une évidence, un accord portant sur la nécessité et l'urgence de sortir de ce monde-la. Cet accord est le fruit mur de différentes tentatives d'imaginer un autre monde possible dont l'alter-mondialisme a été le premier élan et qui a poursuivi sa maturation lente a travers…. Tarnac, les indignés, les mouvements occupy, les ZAD... aujourd'hui, Nuit Debout.
Et aujourd'hui pour la première fois j'ai le sentiment que ces textes sont entendables, qu'il y a des oreilles dressées (libérées plutot) pour les entendre. J'ai aussi l'idée qu'on peut faire un pas en avant parce que depuis que j'ai écrit ce texte il y a 10 ans, j'ai lu, discuté, réfléchi, ... et mon idée de l'argent s'est un peu transformée.
Je me suis fait une idée différente de l'argent ou bien disons de l'économie.
Je pensais déjà, il y a dix ans, que l'argent était une fiction, maintenant ce que je crois c'est que l'économie, le discours, le spectacle plutôt sur « ce qui concerne la production, la répartition et la consommation des richesses et l'activité que les hommes vivant en société déploient à cet effet » n'est qu'un grand show hollywoodien destiné a nous distraire et a nous faire tenir tranquilles. Spectacle fascinant, terrifiant, avec ses rebondissements quotidiens, ses crises quotidiennes, son rythme hypnotique savamment orchestré.
(Au moment ou j'écris, je regarde un feu d'artifice de ma fenêtre, et je me dis que c'est bien ça, c'est exactement ça, un feu d'artifice, qui nous occupe et nous fascine, le feu d'artifice économique.)
Un grand show pas très différent de celui que regardent dans le livre de Philip K. Dick, l'Avant dernière vérité, les réfugiés qui vivent dans les souterrains. Les hommes des souterrains regardent le spectacle de la guerre hollywoodienne supposée se prolonger indéfiniment sur terre (qui en réalité est terminée depuis des années). Nous regardons le spectacle des crises économiques incessante (qui n'existent que comme spectacle, puisqu'elles ne touchent jamais et en RIEN les grosses fortunes, c'est a dire ceux qui FONT l'économie).
Terrorisés par la crise comme ils le sont par la guerre (mais pour faire bonne mesure et accélérer encore le rythme de l'exploitation et de l'abêtissement, la menace de guerre vient aujourd'hui redoubler la menace de crise) nous continuons à travailler de toutes nos forces de peur d'être exclus.
Ceux qui détiennent le pouvoir, les quelques familles de ceux qui détiennent le pouvoir réel, ne se soucient pas de l'économie (ce show qu'ils ont fabriqué de toutes pièces) parce que pour eux, l'argent est pure abstraction. Si tu as le pouvoir, tu as l'argent. A supposer que l'argent soit d'une utilité quelconque a ceux-la. Ce qui n'es pas certain. Ceux-la se soucient uniquement de faire nommer au poste de chef des marionettes (ou des marionettistes) un excellent illusionniste qui, meme si nous nous révoltons quelque peu contre sa clique, nous persuade quand meme, encore et toujours de la réalité du grand show comico-nomique.