Billet de blog 26 avril 2008

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Profondeurs de Henning Mankell (Suède) ou comment sombrer dans la mer baltique?

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Bonjour,

Premier article sur un auteur suédois, Henning Mankell

Pour en savoir plus sur lui, voir les sites en fin d'article !

Je me lance mais pas avec un auteur islandais, mais bien suédois… nous restons tout de même dans le nord. Je ne suis allée qu’une fois en Suède, sur ce bout de terre face au Danemark qu’est Malmö. J’ai par contre, beaucoup travaillé avec des suédois dans des projets liés au développement de politiques européennes, ce qui fait que je commence à cerner un peu ce caractère particulier des « gens du nord ». Bien sûr que j’irai de nouveau en Suède, mais en attendant de découvrir par moi-même ce pays, je lis ses auteurs. Et je viens de terminer (en anglais, mais il est traduit en français) Profondeurs

J’avais déjà lu Monsieur Mankell avec un E majuscule, mais j’avoue que je me suis perdue dans ce livre ci… complétement perdue, corps et âme comme noyée et avalée par la mer de mots.

D’abord parce que c’est un roman policier sans en être vraiment un, contrairement aux autres romans de ce génie de l’écriture, mais moi et bien d’autres vous parleront de Kurt Wallander à une autre occasion. Mais pour moi, Profondeurs fait partie de la littérature noire car il en explore les mêmes recoins obscurs de la personnalité, des troubles de l’Homme confronté à des sentiments puissants qui le dépassent, mis face à face à la jalousie et au ressenti brutal, à l’envie et au meurtre.


Dans profondeurs il y a la profondeur de la mer... sournoise, noire, plate ou blanche et dévastatrice. Bien sur, c'est la baltique. Et je me revois sur ce presque pont qui n’en est pas un, qui relie l’aéroport de Copenhague à Malmö un matin brumeux (via le long pont de plus de 7 km, l'Øresund, au-dessus du bras de mer), et cette mer étrange aux reflets bleutés et moutonneux. Cette scène matinale entre terre et mer encore très présente aujourd’hui dans mon souvenir. Omniprésente dans ce roman, elle occupe tout l’espace intérieur et extérieur des personnages.

Le Capitaine Lars Tobiasson-Svartman est un homme austère, déchiré, rigide, peu sympathique.... Il fait peur mais il captive de par sa profonde humanité désespérée, et dans le même temps si proche de ce que nos âmes peuvent ressentir face au désir, à la peur et l’envie de fuir toute réalité désagréable pour se réfugier dans l’oubli et la chaleur d’autrui, quitte à devenir un monstre d’égoïsme.
Profondeurs c’est avant tout une plongée impitoyable dans la tête d'un homme qui met à nu le gouffre qui l'habite et qui nous le montre sans fard, sans brume, en pleine tempête rugissante, ou dans le plus grand calme. Le livre alterne d’ailleurs, comme pris lui-même dans le rythme de la baltique entre de longues périodes de calme, trêve qui semble apaisée, mais qui n’est en réalité que la préparation de la tourmente la plus violente.

Il y a crime impuni dans ce roman. Ou plutôt puni de démence. Certes, il n’y a pas de policier à proprement parler. De personnage policier dans ce roman, mais la pression du crime est bel et bien là, présente au lecteur qui suit ce capitaine dans sa longue démence qui devient aussi omniprésente que la mer elle-même.

En lisant le livre, j’ai pensé aux premiers films de Bergman comme «le Septième Sceau» ou « les Fraises sauvages » quand la symbolique employée était littéralement asphyxiante et que l’on souhaitait juste respirer un peu moins de symbolisme. Il y a des passages dans ce livre qui sont ainsi écrits. D’ailleurs, et de manière étrange, j’ai lu le livre en noir et blanc, sans forcément de nuances de couleurs. Non pas que l’auteur de les décrive pas, c’est mon impression à moi qui me fait imaginer un film en noir et blanc de l’histoire décrite. L’axphixie ressentie est presque insupportable. Et par crainte de se noyer, on apprécie de faire une pause et de fermer quelques instants le livre, pour respirer, reprendre son souffle avant de replonger. Dense, lourd, effrayant, épuisant parfois. Oui ce sont des mots durs mais bien réel, aussi réels que l’histoire contée elle-même que j’emploi ici à bon escient.

Que pouvoir manger avec ce livre ? Ou boire ? Sans doute des choses aussi fortes que la mer et l’histoire contée. Le livre est d' hiver plus que d’été, alors je pencherai pour quelque chose en conserve. Dans mon souvenir, d’ailleurs et comme l’été est court en Suède, il me semble que l’art de la conserve est un art averti en ce pays (ou du moins auparavant car dans notre économie mondialisée, il est certain que l’on trouve de tout, tout le temps), mais pas dans le livre de Mankell qui se passe dans l’Histoire, et qui plus est, dans un temps de guerre.

Alors sûrement des confitures, par exemple d’airelles, ces petites baies rouges, souvenir de l’été mises en conserve avec des craque-pain (knäckebröd) ou des biscottes (skorpa)….Et pour boire, oui, quelque chose de très chaud avec de l’alcool…Un Glögg chaud et epicé pour se détendre après avoir lu de telles tensions. Rien que du rouge bien sur pour rester dans l’ambiance, mais en oubliant un peu la tension de la lecture.

C'est de toute les manières plutôt un livre d'hiver que celui-ci... achetez-le et gardez le donc sur une étagère pour pouvoir le ressortir, quand le froid arrivera, puisqu'il finit toujours par arriver !

Cela peut sembler anecdotique, mais j’ai retenu une phrase qui m’a frappée par sa pertinence et sa justesse d'un philosophe que je vous conseille, Georges Picard « Notre époque démocratique a ceci d'amusant, qu'elle fournit une pâture à peu près inépuisable à la mauvaise humeur des gens de bons sens. Mais elle a aussi ceci d'intéressant qu'elle donne à chacun la liberté d'y être indifférent. ». Elle m'a fait penser à cette indifférence du personnage principal de Henning Mankell. Est-ce celle-ci qui fait aussi sombre le capitaine dans la folie ? Car il est indifférent à tout, ou presque. Sa folie égoïste l’entraîne vers des profondeurs desquelles il ne pourra plus remonter, après crime et actes de plus en plus violents. La liberté de l’indifférence est-elle, comme le laisse entendre Mankell source de folie incontrôlable menant à la mort ? Ce livre, en tout cas, ne peut laisser indifférent, lui. Il oblige à regarder en face mensonge et vérité, peur et courage, vie et mort.

Bonne lecture, bon Glögg et régalez-vous !

COMPLEMENTS

RECETTES

LE GLOGG

Pour faire vous-même votre Glögg

Pour 15 à 20 verres vous avez besoin des ingrédients suivants :1 petite écorce ou (copeau) d' orange amère, 1 petite branche de gingembre, 1 bâton de cannelle, 8 clous de girofle, 1 cuillerée à café de cardamone, 1 bouteille d'un litre de vin rouge
Pour la préparation : couper le gingembre en tout petits morceaux. Faites chauffer le vin dans une casserole avec tous les épices mais ne faites pas bouillir. Laisser les épices tremper quelques temps et retirez les après de la casserole. Ajoutez du sucre selon votre goût, faites chauffer pour dissoudre le sucre et c' est prêt à être dégusté. Servez dans de petites tasses à punch avec des raisins et des amandes. Si vous voulez un glögg plus fort vous pouvez ajouter de la vodka mais nous déclinons toutes responsabilités dans vos agissements futurs :)

LA CONFITURE D'AIRELLES

Préparation : 15 min, cuisson : 40 min

Ingrédients : 2kg d’airelles, 1,8 kg de sucre, le jus d’un citron, 1/2 verre d’eau
Préparation : trier et laver les airelles. Ajouter l’eau, et mettre sur le feu pendant 5 à 10 min.
Ajouter le sucre. Bien mélanger, et porter à ébullition. Faire cuire à feu doux pendant 20 min, en tournant avec la cuillère en bois. Ajouter le jus de citron, et cuire encore 10 min.
Verser dans les pots, et couvrir avec un papier cellophane.


QUELQUES SITES POUR MIEUX CONNAÏTRE Henning Mankell

http://www.henningmankell.com/

http://polars.cottet.org/mankell/

http://www.polarnoir.fr/auteur.php?auteur=m5

WIKIPEDIA : http://fr.wikipedia.org/wiki/Henning_Mankell

ARTICLES ET INTERVIEWS de Henning Mankell

Ce qui me révolte, biblioObs.com : http://bibliobs.nouvelobs.com/2008/01/08/ce-qui-me-revolte-par-henning-mankell

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