Depuis le XVe siècle, les tumultes de l’histoire ont fait de l’Afrique du Sud le creuset d’une culture musicale singulière.
La musique a, dès le début, joué un rôle important dans l’histoire de l’Afrique du Sud: c’est en musique que des Khoikhois accueillirent Vasco de Gama et son équipage lorsque, le 2 décembre 1497, ils débarquèrent non loin de ce qui est aujourd’hui Le Cap.
Durant les premiers temps de la colonisation, les distractions musicales étaient pour l’essentiel assurées par des orchestres d’esclaves. Plus tard, après l’émancipation (1834) et la révolution minière (à partir de 1867), des Africains noirs apportèrent dans les villes les formes musicales pratiquées dans leurs villages. Elles étaient souvent déjà marquées par l’influence de l’hymnodie missionnaire, cependant que les musiciens du Cap y faisaient connaître leurs innovations. Enfin, dès le milieu du XIXe siècle, des chansons venues des États-Unis commencèrent à circuler parmi tous les groupes de population. Les contacts musicaux, qui se multiplièrent du XVIIe au XXe siècle, enclenchèrent des dynamiques de création, qui firent de l’Afrique du Sud le creuset d’une culture musicale singulière.
De ce fait, lorsque des pouvoirs racistes systématisèrent la ségrégation, la musique rappela invariablement que la société sud-africaine était profondément métissée. La ségrégation puis l’apartheid tentèrent bien de contenir les esprits créatifs à l’intérieur des catégories qu’ils imposaient (blancs, indigènes, coloured) mais jamais ne cessèrent les échanges. Au sein des groupes opprimés, l’invention de formes nouvelles résonnait comme une affirmation de l’humanité qui était déniée à leurs membres ; face au racisme, toutes les musiques proclamaient l’inanité de la séparation des êtres humains. C’est pourquoi le combat contre l’apartheid se fit aussi en musique. Lorsque ce système s’effondra, les échanges et les croisements continuèrent, désormais sans obstacle, et toutes sortes de nouvelles fusions ont vu le jour combinant pop et jazz des années 1950, marimbas modernes et musiques rurales, arc musical et électronique, à quoi s’ajoutèrent des versions locales du rap et le kwaito, adaptation urbaine des sons house et garage.
Denis-Constant Martin, conseiller pour le programme Cape Town
(extrait du dossier Festival d’Automne à Paris)