Billet de blog 4 avril 2013

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L'obsession du regard

La splendeur picturale contre l’impérialisme de l’image, la solitude de l’artiste : thèmes familiers à Romeo Castellucci emportés dans la fureur du ciel.

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Illustration 1
The Four Seasons Restaurant © Christophe Raynaud de Lage / WikiSpectacle

La splendeur picturale contre l’impérialisme de l’image, la solitude de l’artiste : thèmes familiers à Romeo Castellucci emportés dans la fureur du ciel.

Elles surgissent du néant, de ce fragment d’espace indéfini, indéfinissable et tonitruant que les experts nomment « point noir ». Elles sont dix, blanches et belles, gracieuses, comme rêvées par Botticelli. Tout en charmeuse délicatesse, elles se mutilent, des chiens se gavent. Et puis ensemble, elles traduisent silencieusement le poème de Hölderlin, La Mort d’Empédocle. Cet homme de science et philosophe qui d’abord vénéré, se vit rejeté, considéré comme hérétique, accusé de blasphème, et finit par se jeter dans le feu de l’Etna. En lui, Romeo Castellucci reconnaît le destin, la solitude de l’artiste, écartelé entre ses exigences et les malentendus qu’il provoque.
D’où le titre du spectacle : The Four Seasons Restaurant. Luxueux restaurant new yorkais qui, pour orner ses murs, avait commandé une série de tableaux au peintre Mark Rothko.
Né en Lituanie en 1903, lui aussi s’est suicidé, à New York en 1970. Et plutôt que de livrer
son oeuvre, son âme, aux regards de clients venus là pour consommer, se nourrir, il a préféré enlever ses tableaux, laisser les murs vides.
En lui, en son histoire, Romeo Castellucci rencontre sa propre obsession du regard, son propre refus de se laisser utiliser par l’image. Plutôt le vide, plutôt la mort.
Mais que devient un monde sans art?
Alors l’espace de la scène se transforme par l’effet de rideaux, qui vont et viennent, dévoilent un cheval couché, un homme blessé, un visage féminin aux yeux fermés, projeté en gros plan… Rien ne dure, l’espace se défait, s’engloutit dans une apocalypse de cauchemar, dans le tourbillon terrifiant d’une fureur céleste, assourdissante.
Le noir, le bruit fracassant, le rien. La splendeur picturale pour se défaire de l’ordinaire.
Difficile de ne pas être atteint.
Colette Godard


The Four Seasons Restaurant


Romeo Castellucci
création du 17 au 27 avril 2013

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