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Le Singapourien Ong Keng Sen revisite l’oeuvre shakespearienne pour ne garder que la substantifique allégorie du pouvoir qui pervertit les relations humaines.Créé en 2012 par Ong Keng Sen, Lear Dreaming n’est pas sa première adaptation de la tragédie shakespearienne. 

Le Singapourien Ong Keng Sen revisite l’oeuvre shakespearienne pour ne garder que la substantifique allégorie du pouvoir qui pervertit les relations humaines.Créé en 2012 par Ong Keng Sen, Lear Dreaming n’est pas sa première adaptation de la tragédie shakespearienne. 


Créé en 2012 par Ong Keng Sen, Lear Dreaming n’est pas sa première adaptation de la tragédie shakespearienne. En 1997 déjà, le metteur en scène singapourien s’emparait du Roi Lear en revendiquant des esthétiques éclectiques à l’aune de l’interculturalité qui est devenue sa marque de fabrique : une pensée humaniste et philosophique autant qu’un processus de travail.

Hanté par ce texte qu’il fréquente depuis sa jeunesse, l’artiste et citoyen du monde lui reconnaît par ailleurs d’étranges résonances avec le contexte dans lequel il vit à Singapour (cité-État multiculturelle et méga puissance économique d’Asie). Quelque chose d’archétypal l’attire dans l’histoire de ce vieil homme – certes roi – qui cherche à mesurer l’amour que lui portent ses filles, pour finalement bannir la plus loyale d’entre elles. Quand son adaptation de 1997 proposait une lecture plus politique de l’oeuvre shakespearienne, Lear Dreaming se concentre sur les méandres de l’âme humaine: ambiguïté de la résistance et/ou ambivalence face aux pères dictateurs… Pour Ong Keng Sen, Le Roi Lear est très proche de ces mélodrames chinois où des parents se querellent sur des affaires de filiation, d’enfants légitimes ou pas – et du risque corollaire de trahison des parents. En resserrant son focus sur ces questions d’ordre personnel, le créateur asiatique revisite le grand dramaturge anglais pour ne garder que la substantifique allégorie du pouvoir qui pervertit les relations humaines. Afin d’explorer de manière abstraite l’histoire d’une fille rejetée par un père qui perd pouvoir et raison, Ong Keng Sen a passé la pièce de Shakespeare au tamis d’une lecture plurielle. Répété au sein d’ateliers interculturels, ce Roi Lear s’est frotté à des langues, des cultures et des disciplines extrêmement variées et majoritairement venues d’Asie : théâtre nô japonais, chant coréen et indonésien… Aux côtés de ces traditions scéniques interprétées de main de maître, Sen convoque sur une scène épurée une scénographie lumineuse ultramoderne. Des lasers et traits de lumière géométriques dialoguent avec les interprètes. Un orchestre de gamelan échange avec une composition électronique. Des costumes et masques somptueux se tiennent au carrefour d’époques passées et futures.


Dans cette symphonie sonore et visuelle à l’ambiance fantomatique, où la part du texte est réduite à l’essentiel, la part d’onirisme s’ouvre à l’infini. Spectacle choral où les disciplines se rencontrent sans se dissoudre, création du Bauhaus révisée par un Bob Wilson… ce Lear Dreaming est à traverser comme un rêve en technicolor.
Sylvie Martin-Lahmani
Lear dreaming (première européenne) du 10 au 13 juin au Théâtre des Abbesses

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