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Elles s’appellent Shahlâ, Leylâ et Mahnâz. Iraniennenes, elles s’affairent aux fourneaux tout en racontant avec énergie leur existence plus ou moins tragique.
Trois comédiennes au plateau pour dire les destins de trois femmes iraniennes: Shahlâ, la maîtresse d’un célèbre footballer qui fut accusée du meurtre de sa femme; Leylâ, une alpiniste qui gravit les plus hauts sommets d’Iran et du monde tout en combattant sa famille, la société et les hommes qui l’entouraient ; et Mahnâz, la veuve d’un pilote d’avion. La pièce commence avec ce récit pendant la guerre Iran-Irak, au début des années quatre-vingt, et couvre trente ans d’histoire persane. Quoiqu’empruntés au réel, ces personnages ne sont pas traités à la manière du théâtre documentaire mais nourrissent plutôt l’imaginaire de l’auteure : « Chacune porte en elle une partie de moi, l’une est traditionnelle, l’autre moderne et la troisième entre les deux… Chacune a un être absent dans sa vie. » Après un minutieux travail d’enquête sur chacune de ces trois histoires, Mahin Sadri s’en est libérée en inventant les chaînons manquants. Son processus d’écriture flirte avec « le montage de film, la poésie, la psychanalyse et la résolution de problèmes mathématiques ». Sa pièce ne traite pas directement de problèmes politiques ou économiques mais de « quelque chose de très personnel, de l’amour, qui ne peut être mesuré… » Si les thèmes de la guerre, du meurtre et de l’alpinisme sont abordés au premier plan, la pièce traite en vérité de sentiments humains universels comme la solitude, la peur, le manque ou la vieillesse. Ces femmes parlent des hommes (de) dans leur vie, et bien qu’absents de la scène ils semblent omniprésents. Réunies dans une cuisine, Mahnâz, Shahlâ et Leylâ racontent avec énergie leur existence plus ou moins tragique. En quête de symboles de féminité et de vie, la metteure en scène Afsâneh Mâhian a pensé que la cuisine – le lieu et l’activité – était le plus évident, car quel que soit son statut social, aucune femme ne peut y échapper. Tout le spectacle s’y déroule : « La scénographie antinaturaliste permet aux spectateurs de découvrir des éléments familiers et lointains en même temps, comme si le rêve et la réalité se mélangeaient. Les femmes cuisinent méticuleusement dans un décor volontairement minimaliste. Les costumes, la lumière et le son creusent également l’écart entre les éléments réels et irréels. » En persan, le titre signifie « Acclimatation », un mot très poétique qui contient l’idée de l’adaptation, mais dont l’auteure n’a pas trouvé d’équivalent en français : « Chaque jour un peu plus communique mieux le chemin parcouru par ces femmes. Elles cherchent à s’adapter à ce qui leur arrive, elles cherchent quelque chose de meilleur… et comme l’alpiniste dans la montagne, elles rêvent de s’élever, de franchir des paliers, chaque jour un peu plus. »
Sylvie Martin-Lahmani
Chaque jour un peu plus du 2 au 7 novembre aux Abbesses

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