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Illustration 1

Le chorégraphe chinois Tao Ye puise aux sources de la sensation et de la perception une énergie ondulatoire qui s’empare des corps.
De simples numéros en guise de titres. Pour le chorégraphe chinois Tao Ye, la danse n’a nul besoin de mots pour légitimer son essence. Trait qui suit ses chemins, en dehors de toute prédétermination. Convaincu que la danse porte en elle une vérité inhérente, Tao Ye refuse de céder à « des inspirations passagères »: « À travers mon travail, j’espère recentrer l’attention sur l’essence de la sensation et de la perception. C’est dans le corps, dans notre existence physique, qui porte en elle l’ordre intrinsèque de la vie, que réside la plus grande des sagesses. »
Tao Ye serait-il un chorégraphe… taoïste? « Le tao est vide/Jamais l’usage ne le remplit. Gouffre sans fond/Il est l’origine/De la multitude des êtres et des choses 1 », écrivait voilà plus de 2400 ans Lao Tseu. Une telle philosophie de l’être, avec cet esprit du plein et du vide qui caractérise la pensée orientale, trouve un écho dans 6 et 7, mais Tao Ye refuse de s’y laisser enfermer. « L’art transcende les frontières géographiques ou culturelles », répondait- il au magazine new-yorkais Time Out.
La compagnie TAO Dance Theater qu’il a fondée à Pékin en 2008 a d’ailleurs été internationalement reconnue, de Londres à Singapour, de New-York à Paris 2, avant de glaner prix et récompenses en Chine même. À Pékin, si sa compagnie dispose enfin d’un lieu de travail, dans un quartier excentré où vivent de nombreux artistes indépendants, Tao Ye confesse que la formation de danseurs contemporains est encore balbutiante. Cela ne se voit guère dans 6 et 7 où les interprètes combinent magistralement virtuosité technique, précision rythmique et souplesse dans la fluidité des mouvements. Or, l’effet hypnotique que dégagent les deux pièces provient précisément d’un unisson en fusion que guide une énergie ondulatoire qui circulant à partir des hanches et des torses. Dans 6, la musique atmosphérique de Xiao He scande sa pulsion répétitive, alors que dans 7, les danseurs produisent eux-mêmes la partition sonore de ce qui peut faire penser à une sorte de transe.
Noir sur noir dans 6, blanc sur blanc dans 7, les deux pièces peuvent être perçues comme les deux faces (yin et yang?) d’un même minimalisme en effusion. Paradoxe? « Nous vivons dans un monde où les couleurs éblouissantes sont prédominantes. J’ai choisi de travailler sur une seule couleur, de la distiller, confie Tao Ye. Je préfère croire en l’existence d’une unité singulière, même lorsqu’il est question d’opposer pluralisme et dualisme. »
Jean-Marc Adolphe
1. Lao Tseu, Tao Te King, Albin Michel, collection Spiritualités vivantes, 1984.
2. 4 et 5 ont été présentés au Théâtre des Abbesses en octobre 2014.
6/7 par le TAO Dance Theater du 11 au 14 novembre au Théâtre de la Ville

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