
Le mythe de Sisyphe inspire une pièce très visuelle au chorégraphe grec Dimitris Papaioannou, que Paris découvre pour la première fois.
Rentrer dans la matière. Ou s’en extraire. Faire corps avec elle, jusqu’à la poussière. Du mythe de Sisyphe, le chorégraphe grec Dimitris Papaioannou, pionnier de la danse contemporaine dans son pays, garde l’idée que le travail (et notamment le travail créateur), loin d’être vain dans sa répétition, est porteur de sens, pour et par lui-même. En évitant toute dissertation, c’est par le pouvoir suggestif des images scéniques (souvent saisissantes) et l’intensité des présences qui s’y assemblent et s’y éprouvent que STILL LIFE offre, comme le dit Dimitris Papaioannou, « un voyage pour l’âme ».
ENTRETIEN AVEC DIMITRIS PAPAIOANNOU
En Grèce, vous êtes extrêmement connu, particulièrement depuis que vous avez chorégraphié, en 2004, la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques d’Athènes. Ces dernières années, il semble que vous soyez revenu à un travail plus « intime »?
DIMITRIS PAPAIOANNOU: Pendant des années, j’ai eu tout ce que je voulais, avec les moyens nécessaires pour créer des spectacles. J’ai été plutôt « chanceux », même si je ne dispose toujours pas d’un studio de création et que je n’ai pas de subvention gouvernementale, ni même de convention avec un théâtre. J’ai débuté dans un squat, c’est un territoire que j’apprécie : au moment où la Grèce entrait dans une crise profonde, j’ai donc décidé d’explorer à nouveau la possibilité de créer une certaine magie théâtrale dans une grande économie de moyens.
De fait, avec des éléments très simples, STILL LIFE est une pièce très visuelle. Vous avez d’abord été formé aux Beaux-Arts. Comment en êtes-vous venu à la danse?
D. P. : J’ai aussi été l’élève d’un peintre, Yannis Tsarouchis, qui a d’ailleurs vécu à Paris. Quand j’avais 18-19 ans, j’ai ressenti le besoin de raconter des histoires. J’ai alors commencé à réaliser et à publier des bandes dessinées. De façon fortuite, j’ai à cette époque rencontré une professeure de danse qui m’a proposé de venir suivre un cours. Depuis, je n’ai pas arrêté, et assez vite, j’ai réalisé que je pourrais raconter mes histoires visuelles avec des corps vivants. Mes premières pièces s’inscrivaient dans le droit fil de mes dessins. De l’existence concrète des corps sur scène, je retiens l’aspect visuel, bien sûr, mais aussi le flux d’énergie de l’existence ellemême; et surtout les relations qui peuvent s’établir dans un espace entre le corps humain et des objets ou d’autres corps. J’essaie de composer avec cela de la façon la plus simple qui soit (même si cela demande beaucoup de travail pour arriver à cette simplicité), afin de créer un voyage pour les oreilles et pour les yeux, et donc, en quelque sorte pour l’âme…
Propos recueillis par Jean-Marc Adolphe
STILL LIFE de Dimitris Papaoiannou du 13 au 16 octobre au Théâtre de la Ville