
Entre force vitale de la danse et les mots de l’auteur et comédien Wakeu Fogaing, Andréya Ouamba, chorégraphe né au Congo-Brazzaville, s’attaque à l’imposture des discours qui sous-tendent la violence dictatoriale.
J’ai arrêté de croire au futur… Quel titre que celui de la nouvelle pièce d’Andréya Ouamba! Il sonne comme un coup de massue sur la vie en donnant le ton féroce du constat opéré par le chorégraphe. Rien ne va plus, tout fout le camp et aucun espoir que cela aille mieux. Après Sueur des ombres, qui dénonçait avec une énergie farouche et agressive les dégâts de la lutte pour le territoire, J’ai arrêté de croire au futur…, pour cinq interprètes, s’attaque au poids de la violence dictatoriale en Afrique. Elle met en scène un homme politique (l’acteur Wakeu Fogaing qui a écrit son propre texte) en train d’embobiner pour la énième fois le peuple. « C’est après plusieurs voyages dans différents pays d’Afrique centrale et de l’ouest que m’est venue l’idée de questionner cet espace qui est le “dire” de l’être politique sur le continent, explique le chorégraphe né au Congo-Brazzaville, aujourd’hui installé au Sénégal. Le dire, le discours, construit la personnalité politique dans son parcours. Il est plus important que la réalisation des choses. Et après tous ces dires des uns et des autres, nous attendons encore et toujours le prochain. »
Dans un espace sans cesse nerveusement reconfiguré par les ripostes, les marches mais aussi les crises d’abattement de ceux auxquels il s’adresse, le dictateur prend position et déballe sa com en pro du marketing. Bla-bla-bla, mensonges épuisés d’avoir trop servis, le gouffre se creuse entre le pouvoir et le peuple. Toujours avec cette force vitale des corps que le mouvement sublime. « La danse reste à un endroit beaucoup plus parlant que les mots pour tous les peuples du monde, insiste Andréya Ouamba. Le corps ne ment pas. » Entre gestes et mots, le chorégraphe, qui a fondé sa compagnie 1er Temps en 2000 à Dakar, tisse une chronique sans espoir du naufrage de certains pays africains tout en assenant une charge critique bien sentie sur la valeur des mots, le mensonge comme posture, avec pour seul moteur de survie, la rébellion.
Jeanne Liger
J’ai arrêté de croire au futur… CRÉATION 2015 aux Abbesses