
Le Théâtre de la Ville est depuis longtemps une ambassade des musiques de l’Inde. Au rythme des ragas, Holi, la Fête des couleurs, qui célèbre en Inde le retour du printemps, s’y déploie tout un dimanche.
Imaginez une foule vêtue de blanc : familles, amis, voisins, chacun jetant sur l’autre des couleurs sous forme de poudre ou de jets d’eau propulsée par un siphon. Dans ce jeu où toute cible est bonne, le respect des règles de caste et de bienséance soudain se relâche : il n’y a alors ni maître, ni serviteur, ni religion particulière. On peut tout dire à quiconque sous la forme d’une plaisanterie. Et comme en s’excusant, on ajoute : « Bien désolé, c’est Holi ! » On pourrait ajouter : « C’est le Printemps ! » Car cette fête d’une folle intensité où se débrident tous les refoulements est celle du printemps, dont l’origine se perd dans la nuit des temps. Partout des feux géants sont allumés la veille du grand jour. Les couleurs qu’on se jette le lendemain revêtent une connotation symbolique: au vert correspond l’harmonie, au bleu la vitalité, à l’orange l’optimisme, au rouge la joie et l’amour.
RAGA DU MATIN
Le Théâtre de la Ville a habitué le public à venir entendre des ragas du matin, avec, par exemple, Hariprasad Chaurasia et Girija Devi. L’atmosphère matinale si propice à une écoute différente offre une occasion unique de s’immerger dans les sonorités méditatives du surbahar joué dans le style dhrupad. Ashok Pathak est l’un des quelques rares musiciens avec Imrat Khan à jouer en public de ce sitar basse. La forme, le son et les possibilités si expressives du surbahar en font l’instrument d’une solitude idéale, celle qui oblige l’artiste, comme mis à nu, à tout réinventer, et Ashok est passé maître dans cet art savant. Le surbahar a été créé pour avoir le maximum de possibilités expressives dans l’élaboration des ragas et faire ressortir les notes calibrées au micro-ton. Plus que les notes elles-mêmes, c’est ce qui se joue dans les intervalles qui donne sa vie au raga, amenant les notes maîtresses à la justesse de leur plénitude.
Ashok Pathak dimanche 22 mars à 11h
JUGALBANDI CARNATIQUE
Ravikiran, né en 1967, est le maître incontesté de la chitra-veena, un luth joué comme la slide guitare, qu’il a popularisé en Occident. À trois ans, il savait reconnaître trois cents ragas, comme en témoignent les enquêtes menées à l’époque. Ravi Shankar, qui assista à une séance, aurait dit que cet enfant était la preuve de l’existence de Dieu… À cinq ans, il chante en public et démarre sa carrière instrumentale peu après. Ce virtuose au swing irrésistible est aussi un compositeur prolixe et un pédagogue recherché. Shashank, né en 1978, jouait déjà avec de célèbres musiciens à l’âge de dix ans. Digne héritier du génie légendaire T. R. Mahalingam, il nous conduit dans un monde où alternent la gravité de mélodies prenantes et la joie soudainement rieuse de mélopées galopantes jusqu’à un paroxysme rythmique qui tient du sortilège. Ce maître du souffle insuffle une poésie de tous les instants par sa densité sonore et les passages mezzo voce où il produit les graves les plus difficiles à atteindre.
Ravikiran & Shashank dimanche 22 mars à 15h
SITAR D’INDE DU NORD
L’incomparable Nishat Khan est de retour! Neveu du grand Vilayat Khan, fils d’Imrat Khan, il appartient à la lignée de sitaristes de la fameuse école stylistique Imdadkhani, aussi appelée Etawah gharana. L’ardent et romantique Ustad (« maître ») explore à l’extrême les possibilités du sitar, innovant sans relâche pour créer un jeu fascinant par tant de puissance et de subtilité. Son inspiration le conduit à prendre des risques inouïs dans lesquels il rayonne, tel un soleil.
Nishat Khan dimanche 22 mars à 17h
Christian Ledoux