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VOS SPECTACLES ONT UNE FORME HYBRIDE QUI N’ENTRE DANS AUCUNE CASE RÉPERTORIÉE: COMMENT LES QUALIFIEZ-VOUS?
Passionnés tout à la fois par le cinéma et le théâtre, on a imaginé une forme de spectacle vivant qui associe le langage cinématographique aux arts de la scène. On l’appelle le ciné-spectacle. Sur un écran, on projette un film muet réalisé par nos soins dont on accompagne l’action en direct en interprétant les dialogues, les bruitages, la musique. Comme des artisans amoureux du moindre détail, on porte une attention méticuleuse à tout ce qu’il y a à voir et à entendre sur le plateau. Des images du film jusqu’aux objets récupérés et détournés utilisés pour le bruitage, tous ces éléments se font écho pour donner vie à une histoire qui se fabrique à vue. C’est une mécanique très précise à mettre en place. On a débuté dans les cafés devant des gens qui buvaient de la bière jusqu’au jour où on nous a proposé de montrer ce travail aux enfants. Cette idée nous a intéressés, on s’est demandé jusqu’où on pouvait aller dans notre côté décalé, parfois teinté d’humour noir et d’ironie sur le monde. Notre parti pris est de faire confiance à l’intelligence et à la sensibilité des enfants. À partir d’une trame simple qui ouvre plusieurs niveaux de lecture, on bâtit un récit que chacun peut s’approprier selon son bagage culturel.
VOUS PUISEZ VOTRE INSPIRATION DANS LE RÉPERTOIRE DES CONTES: QUE CHERCHEZ-VOUS À RACONTER?
Le conte est un réservoir inépuisable qui nous permet de passer de la petite à la grande histoire, de l’intime à l’universel. On a le désir de donner un coup de pied aux stéréotypes qui enferment les contes dans des schémas caricaturaux et réducteurs, avec le gentil et le méchant, la princesse naïve qui attend son héros, la morale attendue. La vie est bien plus subtile que ça !
VOUS REVISITEZ CETTE FOIS-CI LE CONTE DE BLANCHE-NEIGE: COMMENT VOUS AMUSEZ-VOUS À TORDRE LE COU À CETTE HISTOIRE CONNUE DE TOUS?
Avec une liberté totale. Nous avons inscrit l’histoire dans un contexte historique précis, celui de la chute du mur de Berlin en 1989, événement heureux qui nous permet de raconter comment des personnages peuvent réussir eux aussi à faire sauter le mur qui les sépare. Pour la première fois, nous avons imaginé deux versions dont le point de vue et la forme diffèrent. Dans une petite forme inédite, sans cinéma, avec seulement des petits vidéoprojecteurs cachés dans le décor, un comédien et un musicien bruiteur, Udo se focalise uniquement sur le personnage du père, totalement absent du conte. À partir de cette page blanche, nous avons imaginé la vie de cet homme, parti à l’aventure à l’Est, de l’autre côté du mur, qui vient confier ses souvenirs et ses fantômes. C’est dans le ciné-spectacle Blanche-Neige ou La chute du mur de Berlin que l’on découvre Blanche, ado gothique et rebelle, sous le regard de sa belle-mère restée seule avec elle. Pas de marâtre ici, ni de jeune-fille soumise, nous rompons totalement avec l’univers de Disney pour traiter la relation de deux femmes qu’un mur sépare. Néanmoins, nous avons intégré dans notre conte moderne la pomme, le miroir, la forêt ou les nains, éléments phares identifiables par tous qui participent à notre jeu d’aller-retour entre fiction et réalité.
Dominique Duthuit
Blanche-Neige ou la Chute du mur de Berlin du 22 décembre au 8 janvier aux Abbesses