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Illustration 1
© Tito Lacerda

De la banlieue de Rio de Janeiro aux scènes internationales, Bruno Beltrão a tissé un fil qui ne cesse de déplacer le hip-hop vers l’appréhension (et la compréhension) du monde.

DE LA BANLIEUE À LA SCÈNE
Le parcours de Beltrão commence dans la banlieue de Rio de Janeiro. Dès l’âge de 13 ans, il commence à danser intensément et apprend en observant, dans l’espoir de trouver son propre style. Il suit des cours, visionne des clips vidéo et étudie la façon dont les personnes de son entourage se meuvent au quotidien. Et ses efforts se sont révélés fructueux : son vocabulaire gestuel s’inspire de danses urbaines en général, et du hip-hop en particulier, mais aussi de la culture populaire américaine et de gestes quotidiens. Très jeune, Beltrão a appris que pour arriver au but que l’on se fixe, il faut un plan précis de la façon dont on va franchir la distance nous séparant de notre objectif. Dans son cas, cela s’est traduit par la constitution de sa propre compagnie de danse, Grupo de Rua de Niterói, avec son ami d’enfance Rodrigo Bernardi. Beltrão a alors à peine 16 ans. La compagnie se produit dans des festivals et même à la télévision nationale. Ainsi, Beltrão a porté la rue jusque dans les salons et les séjours les plus chics du pays. En 2000, il s’inscrit finalement à l’université de Rio de Janeiro pour y étudier l’histoire de l’art et la philosophie. Ce que la rue lui a montré et ce que les livres lui ont appris constituent conjointement la base de son vocabulaire gestuel personnel.
TRADUIRE
Ce qui a commencé dans les années 1980 et 1990 dans la banlieue de Rio de Janeiro, s’étend aujourd’hui à peu près à toutes les métropoles de la planète : avec son Grupo de Rua, Beltrão s’est déjà produit dans une trentaine de pays jusqu’à présent. En 2010, son spectacle H3 lui vaut un Bessie Award. La presse internationale qualifie ses spectacles de « hip-hop intellectuel » et de « réinvention de la breakdance ». Malgré cet enthousiasme et tous ces qualificatifs élogieux, on n’a depuis quasiment plus rien entendu à propos de Bruno Beltrão. H3, sa dernière production, remonte à 2008. Il lui a fallu tout ce temps pour approfondir son style, porté par une vision exigeante de son travail. Il a un jour affirmé : « Je crois qu’il n’y a qu’un seul choix, celui de traduire les choses. Dès qu’une information se déplace d’un endroit à un autre, elle est adaptée. En d’autres termes, il n’y a rien sur cette planète qui ne soit traduit ou transformé. Et cela se produit chaque fois que je crée un spectacle qui s’appuie sur les principes de base du hip-hop pour les développer : il est inévitable de traduire et d’interpréter. Si ces transformations ne découlent pas d’un choix, mais d’une évidence incontournable, j’opte pour participer au jeu et partir chaque fois à nouveau en quête de cette variante de la danse que l’on ne connaît pas encore. Parce qu’on chorégraphie pour apprendre, pas pour enseigner. »
CRACKZ
Dans son nouveau spectacle de danse, CRACKz (Dança Morta), Beltrão marie le langage, les gestes, et les rituels de la rue aux codes (oraux) de la danse contemporaine. Des mouvements de breakdance comme le breaking, le popping & locking répondent ou succèdent à des mouvements typiques de l’art martial afro-brésilien, la capoeira. Il part d’improvisations tout autant que d’une approche conceptuelle contemporaine.
L’oeuvre de Beltrão réunit de la sorte explicitement plusieurs éléments que l’on sépare en général de manière bien plus rigoureuse : le contemporain et le classique, les nationalités différentes, les classes et les styles, la culture élitiste et populaire, la production artistique dans la boîte noire qu’est la salle de théâtre et l’engagement social de la rue. Beltrão incarne peut-être de façon magistrale cette idée selon laqulle la danse est la discipline artistique la plus démocratique. « Je ne connais pas la différence entre comprendre et représenter », dit-il à ce sujet. L’intelligence de la rue a désormais un visage.


Sarah Vankersschaever, programme du Kunstenfestivaldesarts 2013
Traduction d’un texte originellement paru dans De Standaard, 12 mai 2013

CRACKz du 3 au 6 décembre aux Abbesses

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