Billet de blog 27 janvier 2016

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LE GÉNIE RECOMMENCÉ

Entouré de deux chanteurs et quatre musiciens, Israel Galván laisse libre cours, dans FLA.CO.MEN, à une danse qui se réinvente en permanence.

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« Le génie, écrivait Julio Cortázar, c’est de se parier génial et de tomber juste. » Né à Séville, de parents eux-mêmes bailaores, Israel Galván a eu le génie de réinventer l’art du flamenco; pas simplement de le « moderniser » ou de le « théâtraliser », mais d’en reprendre toute la syntaxe et de la soumettre à un vocabulaire absolument neuf. Et aussi concentré soit-il sur la ligne rythmique de son compás, il semble en perpétuel état d’amusement, comme aimanté par une fantaisie qui vient ponctuer chacun de ses enchaînements, avec une maestria mise en jeu dans une extraordinaire liberté.
Qu’il danse en solo (comme cet été, dans la cour du musée Picasso, pour le festival Paris quartier d’été) ou en duo (avec Akram Khan la saison passée au Théâtre de la Ville, dans un fertile entremêlement des racines du flamenco et de la danse kathak) ; ou qu’il s’engage dans de plus amples tableaux (El final de este estado de cosas, redux ; LE RÉEL/LO REAL/THE REAL), Israel Galván parvient à ourdir chaque fois de nouvelles arborescences.
Derrière le jeu d’inversion de syllabes de FLA.CO.MEN, il y a toute la sève d’un génie recommencé. S’il tourne fiévreusement, jusqu’à les envoyer balader, les pages d’une partition qu’on suppose être celle de ses spectacles précédents, Israel Galván largue bien vite les amarres. Du talon jusqu’au bout des doigts, son corps déploie une gamme insensée de figures et de rythmes. Bras tour à tour anguleux ou serpentins, jambes électriques frappant toutes les nuances possibles du zapateado, mouvement impétueux ou recueilli comme aux aguets, fougue maîtrisée se piquant de tocades : la danse est en permanente effusion. Il n’y a ici ni thème ni argument qui en guident l’intention, mais une musicalité affûtée, qui ne craint ni d’épouser des airs folkloriques, ni de frayer avec la dissonance. Israel Galván est solidement entouré par un attelage musical plutôt hétéroclite : deux chanteurs, David Lagos et Tomás de Perrate, dans des tonalités vocales bien distinctes ; le guitariste Caracafé, intense et malicieux ; la polyinstrumentiste et exquise Eloisa Canton (violon, flûte, cor, guitare électrique) ; et les deux musiciens (le saxophoniste Juan Jimenez Alba et le percussionniste Antonio Moreno) de Proyecto Lorca. Israel Galván est en dialogue avec chacun d’eux, puis prend part à un chorus qui s’aventure dans une embardée très free jazz. Et dans le chahut de cette fête joyeusement désaccordée, comme empreinte d’une certaine ivresse, la danse tient son cap, chemin buissonnier qui sait faire fi des itinéraires trop bien balisés.
Jean-Marc Adolphe
FLA.CO.MEN d’Israel Galván du 3 au 11 février au Théâtre de la Ville

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