
Lauréat en 2010 du concours Danse élargie, Simon Tanguy exalte un champ d’actions où le monde s’éprouve dans une diversité de textures.
Simon Tanguy était lauréat (2e prix) de l’édition 2010 du concours Danse élargie. Ainsi est-il accompagné depuis lors avec attention par le Théâtre de la Ville, initiateur de ce prix en partenariat avec le Musée de la danse de Rennes (direction : Boris Charmatz). Revenant aujourd’hui avec People in a Field, ce jeune chorégraphe trentenaire en est à sa troisième pièce et a raflé d’autres prix entre-temps. On continue de trouver une atmosphère très juvénile à sa nouvelle pièce. Le titre le suggère : cinq (jeunes) individus s’y retrouvent, et cela suffirait presque à en signifier tout l’argument. Aucun propos préétabli, aucun système à exploiter, mais une situation à vivre, au gré des énergies qui s’éprouvent ici et maintenant, à même le plateau. C’est un groupe très soudé qui s’est forgé au fil des répétitions. Et tous sont euxmêmes chorégraphes par ailleurs, détenteurs d’un savoir de la détermination et de l’implication. La plupart sont issus de la même école que Simon Tanguy: la très fameuse School for New Dance Development d’Amsterdam, un haut lieu du paysage chorégraphique européen, quoique assez peu connu en France. Cette SNDD présente l’insigne particularité de former directement des chorégraphes, rompus à l’écriture du plateau, à sa théorie, à la dramaturgie – et non des interprètes en danse dont on laisse à quelque onction romantique l’hypothèse qu’ils deviennent un jour auteurs, ainsi que le donnent encore à croire certaines vieilles idées confites du monde de la danse. Dans People in a Field, quatre options scéniques sont explorées tour à tour, offrant une situation à la danse: d’abord une longue plage de silence, puis à l’inverse un concert, ensuite un bombardement d’images de ces mêmes danseurs dans la vie quotidienne, enfin l’énonciation d’un fort texte. Par là, le monde s’éprouve dans une diversité de textures, et l’espace vibre d’un renouvellement de sollicitations. Cela nous en dit peut-être un peu plus sur un état de nos vies, constamment traversées d’une multitude d’événements, d’expériences, d’informations qui se présentent à nos corps. En résonance à cela, les corps dansants paraissent bombardés, en réactivité, expansions et continuations les uns par rapport aux autres. Le danseur réagit à l’information qui lui parvient, les trajectoires se répercutent, s’infléchissent, et c’est tout un jeu de qui joue, qui ne joue pas, où l’on joue, où l’on se retire du jeu, dans le laisser venir, le pulsatile, le rebond. Exaltation tranquille d’un principe de contamination d’états, de transition et de prolifération, on aime écouter, sur ce champ d’actions, la citation que Simon Tanguy retient, d’une chorégraphe new-yorkaise qui lui est chère, Jeanine Durning, et qui nous dit : « J’étais intéressée à la multiplicité, à l’inconséquence, aux tangentes, aux digressions, à la valeur de l’inattendu, à ce qui n’est pas su, à l’ineffable. »
Gérard Mayen
People in a Field création du 27 janvier au 1er février au Théâtre de Abbesses