Billet de blog 29 octobre 2014

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Au cœur du mouvant

Maguy Marin retrouve en métropole lyonnaise un foyer de création pour tisser des matières qui s’opposent à l’uniformisation de la pensée, du mouvement et du corps.

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Illustration 1
© Didier Grappe

Maguy Marin retrouve en métropole lyonnaise un foyer de création pour tisser des matières qui s’opposent à l’uniformisation de la pensée, du mouvement et du corps.

ENTRETIEN AVEC MAGUY MARIN
Le point de départ de votre création est-il, comme il le semble, lié à Toulouse, où vous êtes née et où vous avez décidé de travailler, après avoir quitté le Centre chorégraphique national de Rillieux-la-Pape avec votre compagnie?


MAGUY MARIN: Avec la compagnie nous sommes venus à Toulouse en 2012, cependant nous avons décidé de revenir en région lyonnaise l’année prochaine. En fait, les espoirs qui nous avaient été donnés à Toulouse n’ont pas été très concluants dans la mesure où l’on n’a toujours pas d’espace de travail. J’avais envie de reprendre une activité de compagnie indépendante, avec un espace où l’on pourrait déployer certaines activités modestes, pas comme dans un CCN, mais avec au moins deux studios, où l’on aurait pu par exemple accueillir d’autres artistes, mener des actions de médiations avec les publics des alentours, provoquer des frottements d’expériences. L’année dernière, il y a eu une ébauche de projet commun avec les compagnies des chorégraphes toulousains Pierre Rigal et Aurélien Bory. La municipalité avait proposé l’aménagement d’une halle en lieu de création, pour laquelle nous avions élaboré des projets, des plans, des budgets. Nous n’avons jamais eu de réponse. C’est tombé à l’eau, tout simplement.


Où travaillez-vous alors?
M. M.: Pour cette création, nous commencerons le travail dans le studio que nous louons, puis nous serons accueillis par le théâtre Garonne où la pièce verra le jour le 17 septembre. Il faut rappeler que les interprètes sont permanents. Quand on ne crée pas de spectacle, on fait des ateliers, des stages, on est en recherche aussi. Cela ne commence pas le jour de la création. Voyant que ça devenait vraiment trop dur, j’ai décidé de m’installer avec ma compagnie à Ram Dam, cet endroit que j’ai acheté il y a vingt ans et qui active des accueils d’artistes en résidence, de façon aussi à lui redonner une dynamique. On s’est posé la question tous ensemble. Après la création à Toulouse et la tournée qui suit, on y déménagera en décembre ; c’est ainsi que le travail pourra continuer à s’exercer comme nous l’entendons, nous, les artistes, et pas comme on nous demande de le faire.


Sur quoi porte le travail des répétitions de cette création?
M. M.: On vient juste de commencer et il s’agit essentiellement d’un travail à la table et sur le rythme. On procède toujours ainsi : se mettre ensemble par des exercices de contacts, d’écoute, de laboratoire. On se nourrit aussi de lectures, de films et on se questionne sur ce qu’il est important de creuser aujourd’hui. Parmi les réalisateurs, il y a entre autre Joris Ivens et Pier Paolo Pasolini. Pour les lectures, nous nous sommes notamment penchés sur les oeuvres d’André Gorz, Emmanuel Levinas, Vladimir Jankélévitch, Nathalie Sarraute, Kleist…
C’est très hétéroclite et hétérogène et c’est à partir de cet endroit que l’on commenceà tisser, que le travail commence. On est loin à ce jour de la forme définitive.
Cette question du rythme est très politique et s’inspire de la phrase du linguiste Emile Benveniste : « Le rythme, c’est la forme dans l’instant qu’elle est assumée par ce qui est mouvant, mobile, fluide, c’est la forme improvisée, momentanée, modifiable. » Comment faire pour que socialement, et même à l’intérieur d’une troupe de six danseurs, on arrive à des actes collectifs sans être dans une posture militaire entraînant une uniformisation de la pensée, du mouvement et des corps. Car on peut être attiré par l’uniformisation, par le rythme de l’autre. Le groupe a toujours envie de « se coller » et cela pose la question du courage, comme celui d’avoir une parole qui n’est pas forcément celle de tous.


Propos recueillis par Fabienne Arvers

BiT du 30 octobre au 15 novembre au Théâtre des Abbesses avec le Festival d'Automne à Paris

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