Au sujet du roman graphique Je préférerais ne pas de Justin Wong
Un Alexandre le bienheureux (film réalisé par Yves Robert en 1968) des temps modernes ? Il y a un peu de cela dans Butt, sauf que pour un inactif, il n'en est pas pour autant en permanence alité : bien au contraire, il s'essaie à diverses expérimentations, cherchant à militer pour l'inactivité et faire de son chômage (le mot n'est cependant jamais utilisé, tel un tabou assumé) une opportunité de vie et d'affirmation de soi. Le récit est librement irrévérencieux, autosarcastique. Le personnage principal de Justin Wong n'est ici jamais à prendre au pied de la lettre malgré la précision de ses arrangements avec la vie. En fait, ce roman graphique se lit sous la forme d'un journal intime en images, celui d'un trentenaire à Hong Kong, à l'heure où cette ville est devenue le parangon de l'économie moderne autour du culte de la croissance et du travail perpétuel des hommes cravates soumis. Butt ne trouve plus sa place dans ce monde devenu fou dopé jusqu'à l'overdose à l'ultranéolibéralisme, où la connexion Internet est un moyen comme un autre pour transformer une fois de plus de l'inactivité en activité cotée en bourse. De ce monde moderne et de la difficulté de se rebeller à l'ère du 2.0. dont une grande part de l'humanité est devenue dépendante, et à plus forte raison dans les mégalopoles à la croissance folle, c'est aussi ce dont rend compte cette histoire contée par Justin Wong avec un graphisme volontairement et pertinemment simpliste tout droit issu de la communication des réseaux sociaux.
Agrandissement : Illustration 1
Je préférerais ne pas
de Justin Wong
Nombre de pages : 144
Date de sortie (France) : 22 mars 2018
Éditeur : Rue de l'Échiquier
Collection : Domaine bande dessinée