
Il y a fort longtemps, ayant lu une bonne critique de ce roman anglais du XVIIIème siècle, je l'avais noté sur le coin d'une couverture de cahier. L'autre jour, je tombe sur l'annotation oubliée. Avez vous remarqué que la rencontre avec un livre ne doit pas grand chose au hasard et qu'elle arrive toujours à point nommé. Je décide séance tenante de le commander à l'un de mes nombreux libraires indépendants préférés.
"La vie et les opinions de Tristram Shandy", littéralement "Tristram tête fêlée" (ça promet).
Re-éditer aux éditions "Tristram" dans une nouvelle traduction de Guy jouvet, Laurence Sterne apparaît comme le chantre de la digression et de la métaphore, à tel point que cela en devient comique. Combien de fois l'auteur, narrant les péripéties de sa vie et de celle de sa famille, ouvre des tirets par chapitre entier pour ne pas finir l'histoire de la sage femme qui l'a accouché, rebondir sur celle du pasteur anglican qui a recruté la sage femme avec au passage une énième digression sur l'histoire de son oncle blessé à l'aisne pendant le siège de Namur ou encore l'histoire du serviteur de celui ci.
L'auteur interpelle le lecteur à tout bout de champ et pas forcément très gentiment. Il nous remet en place fort à propos comme s'il avait deviné les critiques que nous ne manquerions pas d'émettre à son égard devant un récit aussi décousu. La proximité de l'auteur envers son lecteur atteind ainsi son paroxysme lorsque' il pousse la provocation jusqu'à vous mettre au défit, dans le dernier paragraphe d'un chapitre, de deviner de quoi il va causer au chapitre suivant, et promet même de déchirer la page en question s'il vous arrivait de le deviner.
Bref, ce récit, comparé à l'égal des oeuvres de Rabelais ou de Cervantes, est d'une telle truculence que même le style ampoulé n'arrive pas à décourager le lecteur. Un pavé à digérer lentement pour suivre ce récit d'une force comique incomparable.
Article à suivre ici.