Parution du roman graphique : Enfances de Marie Desplechin et Claude Ponti
Marie Desplechin à l'écriture et Claude Ponti à l'illustration livrent ensemble un tour d'horizon de l'histoire de l'humanité en rappelant qu'il n'y a pas d'hommes et de femmes qui font l'histoire sans enfance, malgré le mythe biblique de la naissance à l'âge adulte de la première femme et du premier homme. C'est un choix tout personnel de mettre en valeur des personnalités qui font histoire avec un récit d'une vivacité enjouée propre à l'art de la narration de Marie Desplechin et à des illustrations à la pointe ludique déterminante propre à Claude Ponti.
Personnages réels ou fictifs sont convoqués, des divinités aussi sans oublier les fondamentales personnalités qui se cachent derrière des célébrités. Les choix sont ainsi judicieux mais il y en a certains qui le sont moins, comme l'hommage excessif rendu à De Gaulle dès les débuts de l'ouvrage en faisant de lui un faux modeste « soldat français » tout en cachant ses responsabilités politiques peu démocratiques et sa prise de pouvoir qui ressemble beaucoup à un coup d'État pour imposer le régime présidentiel de la Ve République témoignant à l'heure actuelle encore tous les excès de son exercice, ou encore sa décision d'envoyer les généraux encombrants de l'OAS en Amérique latine former les futurs bourreaux des dictatures ayant comme ennemis communs les représentants de la gauche politique. De même, mettre en valeur Charlie Chaplin avec les phrases « Sa réussite est rapide et stupéfiante. À vingt-six ans, il est l'un des hommes les mieux payés au monde ! » associant réussite à l'acquisition de richesse est une idéologie malheureuse justifiant les injustices économiques de traitement humain, pourtant pourfendues dans le cinéma de Chaplin.
En revanche, l'ouvrage se montre plus judicieusement politique en rappelant la mémoire d'Edmond Albius qui a découvert à 12 ans la polinisation de la vanille, ce qui a valu à son maître dont il était l'esclave, une fortune retentissante. Ou encore l'un des plus vibrants hommages du livre consacré à Claudette Colvin, qui fut l'une des premières personnes en 1955 alors qu'elle a encore 15 ans, à s'opposer à l'injustice des lois de la ségrégation raciale en Alabama. Torturée et vouée aux humiliations publiques en procès, elle fut oubliée, elle qui était une adolescente de milieu social très modeste, derrière la figure plus connue de Rosa Parks, réalisant plus tard le même geste que Claudette Colvin mais qui avait pour elle d'être issue d'un milieu moins modeste.
L'ouvrage a également pour heureuse vertu de participer à construire un véritable matrimoine avec une place notable redonner à des femmes et des jeunes filles alors que la patrimonialisation de l'histoire a trop tendance habituellement à invisibiliser les femmes, ce que n'oublie pas de rappeler Marie Desplechin.

Enfances
de Marie Desplechin (autrice) et Claude Ponti (illustrateur)
Nombre de pages : 136
Format : 215 x 260 mm
Date de sortie (France) : 29 août 2018
Éditeur : École des Loisirs
Collection : Albums