Parution du livre La Barbe ne fait pas le philosophe d'Annabelle Bonnet
En se focalisant sur la période historique française qui s'étend de 1880 à 1949, la philosophe et sociologue Annabelle Bonnet réunit d'abondantes sources qui lui permettent de raconter dans cet ouvrage le récit méconnu de l'accès à la philosophie dans les institutions pour les femmes durant la IIIe République. Tout commence avec l'adoption en 1881 de la loi Camille Sée sur l'enseignement secondaire des jeunes filles où la philosophie fut dès lors exclue des programmes. L'accès aux postes d'enseignante et de chercheuse en philosophie devient dès lors d'autant plus incertain que la transmission de l'enseignement est interdite aux jeunes femmes. Il faudra la détermination hors du commun de femmes avec des formations autodidactes pour pouvoir concourir à l'agrégation mais aussi à des doctorats sans avoir pu bénéficier des privilèges de leurs homologues masculins.
Dans le cadre d'une misogynie dominante institutionnalisée aux plus hautes instances du pouvoir où la femme est considérée et traitée philosophiquement comme législativement comme un être inférieur à son homologue masculin, quelques femmes ont réussi au fil des années à ouvrir la voie pour lutter contre cette violente injustice sociale. Les progrès furent longs et lents mais l'évolution était en cours, avec de violentes régressions notamment juste après la Première Guerre mondiale ou encore durant la France pétainiste.
Annabelle Bonnet se concentre ici sur des expériences singulières qui ont rarement fait mouvement même si elles ont inspiré par la suite de nombreuses femmes, à l'instar de Simone de Beauvoir qui a rendu hommage à la précurseure Léontine Zanta même si elle ne partagea pas toutes les idées de cette dernière à la fin de sa vie.
Il ne s'agit donc pas ici d'une histoire des féminismes durant la IIIe République mais d'une mise en lumière de ces femmes qui ont à l'ombre de l'histoire officielle, fait bouger largement les lignes d'une société foncièrement injuste où initialement rien ne leur était dû en tant que citoyenne de l'espace social. Comment dès lors durant tous ces siècles la philosophie a pu se prévaloir d'une pensée embrassant l'humanité tout en niant plus de la moitié qui la compose, si l'on conte avec les femmes, toutes ces personnes laissées en marge de ce que des prétendus grands penseurs considéraient comme l'humanité ?
On peut imaginer que l'ethnologie a pu donner un nouveau souffle émancipateur à la philosophie institutionnelle archaïque à l'orée de la Seconde moitié du XXe siècle et qui a marqué les réflexions notamment de Dina Dreyfus. Est-ce que l'anthropologie a été plus ouverte aux femmes durant la même période 1880-1949 ? Cela pourrait être l'objet d'une autre recherche et de l'édition d'un prochain ouvrage.
Agrandissement : Illustration 1
La Barbe ne fait pas le philosophe. Les Femmes et la philosophie en France (1880-1949)
d'Annabelle Bonnet
Nombre de pages : 336
Format : 14 x 22 cm
Date de sortie (France) : 15 septembre 2022
Éditeur : CNRS Éditions