Billet de blog 14 novembre 2020

Cédric Lépine (avatar)

Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

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Entretien avec Sabrina Ghilardi, autrice des "Héroïnes de notre enfance"

Dans son ouvrage, Sabrina Ghilardi est partie plonger dans les programmes de télévision à destination des enfants dans les années 1980 en France pour découvrir les images diverses des héroïnes dans chaque série, issue du Japon, de France comme des USA, pour l'essentiel.

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Cédric Lépine : En dehors de vous dédier à l’étude des héroïnes des séries animées des années 1980, à quoi consacrez-vous votre temps ?
Sabrina Ghilardi : Je regarde beaucoup trop de séries télévisées et de films, je collectionne beaucoup trop de Lego, de Funko pop et autres figurines… Et accessoirement j’ai un métier dans l’édition.


C. L. : Qu’avez-vous découvert de votre enfance en écrivant ce livre ?
S. G. : Que c’était mieux avant (rires) ! J’ai surtout compris à quel point nous avions tous été traumatisés par ces dessins animés : l’air de rien, ils nous confrontaient quotidiennement à la misère, à la violence, à la tristesse. Je pense donc qu’on s’en est plutôt bien sorti. Peut-être même que certaines valeurs positives nous ont été transmises par ce biais. Je crois que cela a éveillé chez moi un côté féministe ou plutôt une envie d’égalité véritable entre les femmes et les hommes.


Illustration 1

C. L. : Quelles sont les ressemblances et les dissemblances de notre enfance vécue dans les années 1980 autour des séries télévisées par rapport aux enfances actuelles ?
S. G. : Notre enfance était peut-être plus insouciante, je généralise car bien entendu il y a des exceptions mais c’est comme ça que j’ai ressenti la mienne. Je trouve que les dessins animés de nos jours, destinés à tous les publics (je ne parle pas des animes japonais qu’on peut regarder sur les plateformes), manquent d’âmes. Du fait de ne pas vouloir « choquer » les enfants tout est devenu lisse, plat, insipide. Il n’y a plus rien de réel, tout se passe dans des univers fantastiques, oniriques mais il n’y a aucune confrontation à la réalité. Alors qu’au même moment les enfants d’aujourd’hui sont confrontés plus durement à la réalité avec une actualité plus oppressante et surtout omniprésente via les réseaux sociaux ou les téléphones portables. On a perdu la magie.


C. L. : Quelles séries animées conseilleriez-vous à vos enfants parmi celles que vous avez découvertes enfant et pourquoi ?
S. G. : Vaste sujet ! Durant l’écriture de cet ouvrage, j’ai passé beaucoup de temps à me replonger dans ces séries et j’ai pensé que c’était l’occasion de retenter (j’avais déjà essayé avec Les Mystérieuses Cités d’Or et Il était une fois la vie) l’initiation de ma fille de 12 ans aux plaisirs de mon enfance… GROS FLOP ! « Les dessins sont vieux », « Ils sont moches », voilà ce que j’ai entendu… Mais je ne perds pas espoir. J’attends patiemment qu’elle aborde la Révolution française au collège pour lui faire regarder Lady Oscar !!! Malheureusement, je sais d’avance qu’elle n’aimera jamais Cobra ou Les Chevaliers du Zodiaque, à mon grand désespoir, c’est une question de goût…


C. L. : Parmi les séries que vous avez vues, considérez-vous que les héroïnes sont plus indépendantes dans les séries japonaises que dans les séries américaines ? C’est en effet le constat que l’on peut faire au cinéma entre les héroïnes indépendantes d’Hayao Miyazaki et les princesses conservatrices chez Disney.
S. G. : Dans l’ensemble oui, c’est très certainement dans les séries japonaises que les héroïnes étaient les plus indépendantes et pourtant la société nippone d’alors était plus conservatrice. Mais elles étaient également plus sexualisées là où les héroïnes américaines l’étaient un peu moins et pas du tout dans les séries françaises.


Illustration 2

C. L. : Quelles sont vos héroïnes fétiches et pourquoi ?
S. G. : Lady Oscar, on ne fera jamais mieux dans l’équilibre action et romantisme. Les Cat’s Eyes pour leur indépendance. Et puis Candy, parce que c’est l’héroïne romantique par excellence.


C. L. : Ces héroïnes ont elles participé à votre construction en tant que femme ?
S. G. : Bien évidemment ! Mais je m’en suis rendue compte seulement en écrivant cet ouvrage et en me replongeant dans mes souvenirs. Je me souviens d’un sentiment d’injustice en regardant certaines séries et d’une envie de bousculer les codes. Chez moi c’était le partage des tâches : j’ai vu mon père faire le ménage, laver la vaisselle, préparer les repas, c’était ça la normalité pour moi. Donc quand je regardais ces dessins animés où le machisme était quand même très présent, je ne comprenais pas.


C. L. : Voyez-vous les héritages de ces séries dans les histoires modernes, au cinéma et à la télévision ?
S. G. : Je ne sais pas si on peut parler d’héritage car nombre de ces séries étaient déjà des adaptations d’ouvrages existants. Beaucoup de réalisateurs de longs métrages d’animation comme Miyazaki par exemple ont fait leurs armes sur ces animés donc oui dans ce cas on peut éventuellement parler d’héritage. Et puis il y a des références, des clins d’œil, c’est certain, il suffit de voir l’adaptation de City Hunter en film réel par Philippe Lacheau. Mais une série télé, un film, un roman, tous, à la fin, sont composés des mêmes éléments et des mêmes ressorts et d’une bonne histoire.


C. L. : Envisagez-vous d’autres explorations du féminin dans les histoires passées et actuelles ?
S. G. : Je ne sais pas encore, mais les héroïnes des séries télé live viennent me voir dans mon sommeil en ce moment…

Illustration 3

Les Héroïnes de notre enfance
de Sabrina Ghilardi

Nombre de pages : 232
Date de sortie (France) : 30 octobre 2020
Éditeur : Huginn & Muninn

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