Parution du livre Le Culte de l'auteur. Les dérives du cinéma français de Geneviève Sellier
Alors que l'ouvrage de Geneviève Sellier a commencé à faire polémique notamment dans le milieu d'une certaine critique française ronronnante, il se révèle être une somme conséquente d'informations qui remet en cause le pouvoir tout puissant confié aux cinéastes-auteurs de la Nouvelle Vague très majoritairement masculins (parmi les 150 réalisateurs à avoir fait leur premier long métrage entre 1958 et 1962, tous étaient des hommes, tandis que l'unique femme, Agnès Varda ne les avait pas attendu en réalisant La Point courte en 1955).
Suite aux révélations de Judith Godrèche incriminant les abus successifs quand elle était adolescente de Jacques Doillon et Benoît Jacquot, deux cinéastes héritiers officiels de la Nouvelle Vague, Geneviève Sellier met en avant le système d'impunité qui a été rendu possible autour du culte des auteurs initiés par les futurs auteurs de la Nouvelle Vague qui ont ainsi confisqué le pouvoir en imposant un regard majoritaire construit sur leur propre vision autobiographique masculine où la femme est un objet de fantasme et de désir dépourvue de subjectivité et d'initiatives propres.
Les cinéastes ont alors confondu leurs désirs sexuels et leur inspiration créatrice, rappelant l'adage de François Truffaut pour qui il était nécessaire de tomber amoureux de son actrice principale pour faire naître son personnage. Cet enfermement masculinocentré n'a hélas la plupart du temps guère questionné les critiques du cinéma eux aussi majoritairement masculins et appartenant pour une grande part à un milieu social partageant les mêmes valeurs complices.
Ce livre dérangera assurément car il remet en cause le positionnement de très nombreux cinéastes masculins consacrés et notamment successivement adoubés par le festival de Cannes, Saint-Siège patriarcal d'un certain cinéma d'auteur à la française, avec rarement de recul quant au monolithisme de la pensée dominante.
Ce livre n'est pas fait pour le consensus dans le milieu cinéphile mais sert plutôt à oser de manière audacieuse à questionner pour appréhender sous un nouvel angle toute une organisation de l'entre-soi d'un certain modèle de financement et d'appui du cinéma français.
Bien que ne bénéficiant pas d'investigation, cet ouvrage est une synthèse pour comprendre le système de prédation nocif au cœur de l'industrie du cinéma français. Que ce point de vue plaise ou non parce qu'il remet en question le culte aveugle des cinéastes consacrés, cet ouvrage mérite une véritable attention pour prendre position.
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Le Culte de l'auteur. Les dérives du cinéma français
de Geneviève Sellier
Nombre de pages : 272
Date de sortie (France) : 13 septembre 2024
Éditeur : La Fabrique éditions