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Bifurquons ensemble !

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Billet de blog 22 juin 2022

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Président du Sink Tank, think tank citoyen pour la révolution écologique

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Mais en fait j'ai bifurqué

C'est en lisant cet appel à témoignage que j'ai réalisé que finalement, moi aussi j'ai bifurqué. À ma manière, à la fois légèrement et profondément, mais il n'y a pas qu'une seule voie, il y a des alternatives, et tant mieux.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Je n'ai pas grandi avec l'écologie pour évidence, j'ai plutôt été bercé par les sirènes retentissantes des appels de la société de consommation des années 1980, les années fric, rétrospectivement le summum de l'indécence. Ce n'est que bien tard, dans les années 2010, que j'ai réalisé à quel point la menace climatique était réelle, tangible mortelle. (Et dire que je me croyais futé...)

Si je ne l'ai pas compris plus tôt, c'est surement en partie de ma faute, mais tout de même, les informations que je recevais au quotidien ne devaient pas être à la hauteur de l'enjeu. Les douches au lieu des bains, le tri des déchets, tout ça je le fait depuis longtemps, et comble des comble, le fameux "trou dans la couche d'ozone", qui était la plus grande inquiétude durant mon enfance, se résorbait. Quelle surprise quand, au fil de lectures, j'ai réalisé l'étendue réelle des dégâts. 

Prise de conscience un peu tardive, mais au moins me voilà aujourd'hui presque raccord avec elle, ma conscience. Presque, parce que j'ai en partie bifurqué.

En partie, parce que je n'arrive pas à résister à toutes les tentations, très loin s'en faut. Je ne suis pas un colibri héroïque. J'essaie d'éduquer mon fils à une consommation plus intelligente, c'est ainsi qu'on mesure à quel point le poids des structures sociales pousse à contre-courant. 

Et bifurcation partielle, parce qu'après une quinzaine d'années de carrière dans la communication, je me suis mis à mon compte. Je continue à faire ce que je sais faire, de la communication. Je n'ai pas changé radicalement de vie, mais je suis désormais maître de mon temps de travail, et je l'ai considérablement réduit : j'arrive à ne travailler qu'à mi-temps, et j'ai accepté sans regret de diminuer mes revenus.

Mais bifurcation profonde, parce que tout le temps que j'ai dégagé, je le consacre désormais, à ma façon, à la mesure de ce que je sais faire, à la transition écologique. Avec des proches, nous avons créé un think tank dédié à la révolution écologique. La révolution écologique, c'est renverser l'ordre des priorités pour mettre ce sujet au premier plan de l'agenda politique et médiatique, casser les représentations négatives dominantes (Amishs, écologie punitive et autres Il n'y a pas d'alternatives). Et la révolution écologique, c'est aussi produire des idées de rupture, qui bousculent profondément notre conception de l'économie, pour montrer que si l'on veut, financer la transition n'est pas un problème, mais au contraire l'opportunité de repenser notre contrat social. Ce think tank est tout jeune, il a vu le jour le 12 avril dernier, lendemain du premier tour de la présidentielle, pour porter le combat durant tout ce mandat qui s'annonce sinistre. Il s'appelle le Sink Tank, il est acide et inventif, drôle mais porteur d'idées nouvelles, il veut refaire le monde plutôt que le détruire, c'est un laboratoire d'idées pour ne pas couler, rendez-lui donc visite (avec indulgence, il est en cours de finalisation) : www.lesinktank.org 

Bifurquer, c'est un mot que je n'aime pas trop. Je lui préfère "Révolution" mais je sais que celui-ci peut  faire peur. Pourtant, en France sa connotation est assez positive, et on y entend un élan, un soubassement politique qui manquent à la "bifurcation", mot qui reste dans la bouche. Les deux expressions portent en tous cas l'idée d'un changement profond qui, lui aussi, peut faire peur. Tant le procédé que son objectif peuvent décourager, voire mobiliser une résistance. Ce sont des mots si radicaux que, finalement, je n'avais pas réalisé que j'étais en train de l'accomplir, ma bifurcation !

C'est le message que je voudrais transmettre à travers ce témoignage : soyons ambitieux pour la révolution écologique, mais soyons indulgents avec nos maigres capacités individuelles. Bifurquer, ça n'a pas à être radical, jusqu'au boutiste, jusqu'à l'ascèse. J'ai la chance d'avoir les moyens de réduire un peu mon train de vie et mon travail rémunéré, j'estime qu'avoir pu bifurqué en partie, c'est déjà ça. On ne pourra surement pas tou-te-s changer nos vies autant qu'on le voudra, mais chacun-e peut se mettre un peu en chemin, faire quelques pas dans les chemins de traverses. Commencer à se mettre dans la bonne direction, c'est l'essentiel. Si nous sommes suffisamment nombreux à entamer notre bifurcation, pas les petits gestes, de vrais changements, la question deviendra incontournables pour nos élites aveugles. Pour qu'enfin la société se transforme pour accueillir et encourager les efforts individuels.

Ça commence, je le crois, par parler d'écologie entre proches. Témoigner de nos parcours, de nos convictions. Ne pas laisser sans réponse le cousin ou la tante qui se moquent des éoliennes à table. Savoir quoi répliquer à ceux qui te traitent d'Amish. Affirmer que l'écologie, ça doit être la première des priorités, pas pour les générations futures, pour nous tout de suite. C'est dire tout ce qu'on est prêt à sacrifier, mais c'est aussi dire que l'écologie n'est JAMAIS punitive ! C'est tout l'inverse : non seulement elle veut éviter les dégâts, non seulement elle veut les réparer, mais elle est en plus terriblement joyeuse, porteuse d'inventivité, de nouveauté, de tant de choses. Ce qui est punitif, ce n'est pas de vouloir refaire le monde, c'est ceux qui le détruisent.

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