Le vendredi 8 février, à 18h30, Alain Badiou sera à la Machine à Lire, à Bordeaux, pour présenter son dernier livre L'aventure de la philosophie française depuis les années 1960 et j'aurai le plaisir de l'y recevoir. Ce livre est un recueil d'articles et d'interventions qui fait suite au Petit Panthéon portatif qu'il avait publié en 2008, aux éditions de la Fabrique.
Le principe est le même : rendre hommage à des philosophes qui ont constitué, dans ces années-là, un moment de la philosophie française que Badiou n'hésite pas à comparer au moment grec classique et à celui de l'idéalisme allemand. Il est évident que n'entrent pas dans ce cadre les nullités médiatiques qui ont eu nom 'nouveaux philosophes'. Cet exercice d'admiration est assez rare, dans le champ philosophique où la polémique est reine, pour qu'on l'accueille avec reconnaissance. D'autant que, pour nombre d'entre eux, ces philosophes ont occupé des positions bien différentes de celles de Badiou lui-même.
Il y a chez Badiou cette qualité essentielle de pouvoir entrer dans la pensée de l'autre et de la présenter avec une honnêteté complète, tout en ne cachant pas les points de désaccord qu'il découvre au fur et à mesure de son exposé. Certaines ruptures ont été douloureuses, comme celle avec Althusser ; certaines distances ont été comblées, comme celle qui l'a longtemps séparé de Deleuze ; certaines rencontres peuvent sembler surprenantes comme celle avec Barbara Cassin qui a des options bien différentes des siennes ; certaines analyses ne sont pas tendres, celle de Ricoeur ou celle de Jambet et Lardreau - mais tout cela n'entame jamais la volonté de comprendre.
La préface qu'il donne à son dernier livre est une présentation de cette période de l'activité philosophique française qui en dessine les principales orientations et divisions, mais qui sait aussi en souligner l'unité. "Le moment philosophique français a proposé à la philosophie le chemin à la connaissance du but, l'action ou l'intervention philosophique à la méditation et à la sagesse. Elle a été une philosophie sans sagesse, ce qui lui est aujourd'hui reproché." Ces philosophes ont eu en commun de vouloir que la "philosophie agisse en son propre nom", qu'ils soient "écrivain combattant, artiste du sujet, amoureux de la création, militant philosophique."
Les silences de Badiou sont également révélateurs - rien sur Bouveresse, rien sur Serres. Mais le lecteur non-professionnel trouvera des exposés d'une clarté pédagogique exemplaire, sur Canguilhem, sur Sartre, sur Françoise Proust, pour n'en citer que quelques uns.