Bernard Manciet aurait eu cent ans cette année. Le livre publié par les Editions Confluences fait découvrir une dimension peu connue de la force créative de Bernard Manciet : le poète qui a su donner toute sa force poétique au gascon n'a pas cessé tout au long de sa vie de peindre, de dessiner, de couvrir les marges des livres qu'il lisait de croquis dont la force évocatrice est stupéfiante.
"Et moi non plus, je ne suis pas peintre", écrit-il avec l'humour qu'on lui connaît."je ne suis que flâneur : là est mon art, là ma profession. Le métier exigeant de flâner consiste d'abord à laisser faire les autres, à compulser çà et là des livres, des amis, des paysages, à s'accouder, examiner, à bavarder un brin avec eux tous. La moindre des politesses veut que je les remercie, au moins d 'un coup de crayon, tellement ils m'étonnent."
Quelle merveilleuse modestie qui donne à l'esquisse, à la silhouette aperçue une vie intense ! Il suffit d'une ligne, fine ou épaisse, noire ou colorée, pour que l'allusion dise l'essentiel. "J'en conviens : si j'écris, si je dessine, c'est au petit bonheur la chance. Certains de mes croquis me surprennent : réussis ! (...) Je ne prétends pas, je ne saurais prétendre au statut de peintre du dimanche, ce phénomène de la capitale. Mais j'entends faire partie des peintres de provinces, de la marge - cette province où l'on prend le temps de ne rien faire, ou de peindre, faute de mieux, entre deux baîllements d'après-midi."
Cette partie de l'oeuvre de Manciet n'est pas marginale, en dépit de qu'il dit. Elle est aussi importante que la poésie elle-même. Il faut être reconnaissant aux éditions Confluences d'avoir réalisé ce très bel ouvrage. Pour les heureux mortels qui se trouveront dans les parages d'Anglet jusqu'en janvier 2024, ils pourront découvrir, au Centre d'art contemporain de cette ville, l'exposition "Au pays de l'esquive - Oeuvres graphiques de Bernard Manciet.