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Bordeaux sur Garonne

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Billet de blog 19 octobre 2011

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La ré-évolution urbaine de Pistoletto

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La biennale d'Art contemporain de Bordeaux vient de s'achever. Son concepteur, Michelangelo Pistoletto, avait choisi pour mot d'ordre :"la ré-évolution urbaine". Pas mal trouvé. Voilà qui faisait audacieux et frémir certains dinosaures. La dernière biennale avait laissé un goût assez amer : des manifestations posées/imposées, ici et là, dans la ville et un oubli presque total du tissu associatif et artistique de la ville; le tout dans une indifférence assez complète du public bordelais : il parait qu'il y avait du monde, mais comme en même temps avait lieu l'inusable Foire aux plaisirs, on ne savait pas très bien qui était là pour un tour de manège ou pour s'initier à l'art contemporain.

Cette erreur n'a pas été réitérée, cette année. Une immersion de Pistoletto et de son équipe dans la ville, depuis plus d'un an, a permis de faire un recensement précis de ce qui se faisait et de ce qui pourrait se faire en en appelant aux énergies vives de la cité - si souvent ignorées des officiels de la culture bordelaise.250 structures, associations, écoles de Bordeaux et de l'agglomération ont été mobilisées. Cela n'a pas été sans mal et il y a eu des risques de clash - pour certains, il n'y avait aucun intérêt à investir la Cité du Grand Parc, où il ne se passe rien, disait-on, alors que le Centre social, le Centre d'animation, la Bibliothèque y font un travail remarquable -. Mais le résultat est là : les gens se sont mis en mouvement, des projets multiples sont nés, des rencontres, des synergies ont eu lieu - depuis l'investissement de l'ancien marché des Douves, près des Capucins, depuis longtemps désaffecté, par les associations du quartier jusqu'à la clôture de la manifestation au Grand Parc rebaptisé pour l'occasion Central Park qui a réuni non seulement une partie des habitants de la cité mais aussi de très nombreux visiteurs venus des autres quartiers de la ville en passant par la volonté des associations de la place André Meunier de ne pas faire oublier leur existence, en période de rééaménagement du site. Cela a ressemblé souvent à une grande kermesse un peu bordélique, mais c'était loin de l'atmosphère cul pincé qui caractérise souvent les événements culturels de la ville.Et les gens étaient heureux, heureux de montrer un visage bien différent de celui qu'on présente habituellement d'eux.

Il faut espérer que ce qui s'est ainsi mis en marche - les liens, par exemple entre deux quartiers Nord et Sud de Bordeaux, le Grand Parc et St Michel/ les Capucins se poursuivra : tout le monde semble plus au moins d'accord sur le fait que le culturel est un vecteur important de sociabilité, mais l'essentiel est dans la volonté elle-même des acteurs de cette grande fête de ne pas se laisser déposséder de son succès.

Et l'Art contemporain là-dedans ? peu de choses en définitive et pas forcément convaincantes ; des ratés, comme le spectacle d'ouverture ; des réussites comme l'expo des abattoirs où des architectes, des performers, des plasticiens étaient invités à présenter une vision utopiste du Bordeaux de demain ; des moments de poésie et de drôlerie comme cette fermette installée sur une péniche et qui dérivait sur la Garonne.

La conclusion officielle : "EVENTO constitue un événement atypique de création contemporaine hors cadre, qui témoigne de la prise de risque et de l'audace d'un métropole culturelle européenne à part entière" sonne comme une fanfare bien satisfaite d'elle-même (on avait, il y a deux ans, entendu même sonnerie pour une manifestation dont Alain Juppé reconnaissait lui-même, récemment, qu'elle avait échoué à s'inscrire dans le corps même de la ville), mais il ne faut pas bouder son plaisir quand on voit comment les gens parviennent à s'approprier un projet et à s'en servir comme d'un levier pour amorcer un changement de leur cadre de vie. Après tout cette situation-là devient familière aux bordelais : le fameux miroir d'eau avait été conçu pour que vienne s'y refléter la solennité classique de la Place de la Bourse et certainement pas pour servir de piscine aux gamins des quartiers - ce qu'il est bel et bien devenu !Nous attendons les lendemains d'Evento.

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