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Cent Paroles d’Aix, journal local alternatif

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Billet de blog 8 août 2012

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Sardinades nauséabondes à Port de Bouc

Ce samedi soir 4 août, nous avions programmé avec une bande de bons copains aixois, une sortie que nous imaginions originale, festive, pleine de saveurs du Sud et de la mer … à Port de Bouc, à l’occasion des fameuses « sardinades ».

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ce samedi soir 4 août, nous avions programmé avec une bande de bons copains aixois, une sortie que nous imaginions originale, festive, pleine de saveurs du Sud et de la mer … à Port de Bouc, à l’occasion des fameuses « sardinades ». Nous sommes douze : six adultes et six enfants, de quoi passer une excellente soirée. Notre groupe est un groupe coloré, à l’image d’une société que nous aimons. De la belle Fatima, grande femme mince, cheveux noirs magnifiques, en rastas, qui nous vient des Comores, à la belle Armelle, blonde aux cheveux longs, en passant par Miguel, le sémillant Sud-Américain, nous aimons tous cette France qu’on a appelée « black-blanc-beur » et qui donne des couleurs à notre vie.

Dès notre arrivée au parking, nous avons compris que nous arrivions dans un autre monde. Fatima, qui avait quatre enfants à bord de sa voiture et qui est arrivée la première a trouvé une place pour elle et pour nous aussi. Nous sommes quelques voitures derrière et elle nous prévient par téléphone qu’elle nous retient la place. C’est d’autant plus important pour notre deuxième voiture d’adultes, que Marie, qui conduit, est handicapée et qu’elle ne peut aller se garer trop loin.

En entrant dans le parking, on a l’impression d’une insurrection. Ça klaxonne, on s’injurie et nous apercevons Fatima de loin avec les enfants. Il nous faut quelques minutes pour réaliser que la couleur de peau de Fatima et de trois enfants sur les quatre qui l’accompagnent n’y est pas pour rien. Miguel descend à la hâte et va rejoindre Fatima avec la carte GIC de Marie, ce qui, dans tout monde civilisé, met fin immédiatement à toute contestation de places. Mais là, rien à faire, le conducteur qui entend prendre la place, que Fatima retient, s’avance un peu plus pour couper le passage à Marie.

Ce n’est qu’après l’avoir menacé d’appeler la police, que cet homme haineux et fermé accepte de nous laisser la place, non sans apostropher lâchement les enfants : vous venez d’où ? Vous devriez vite y retourner ! Depuis, ils sont effectivement contents d’être revenus à Aix les enfants ! Merci !

Mais ça ne s’est pas arrêté là ! Quand il a fallu retenir, auprès de ceux qui étaient déjà installés à leurs tables, la place pour nous installer après eux (comme cela se fait là-bas et la concurrence est rude !), ce fut immonde. Des regards haineux en direction de Fatima et des enfants, tous les arguments étaient bons pour ne pas nous laisser la place, même à Marie à qui l’on a reproché (toujours aussi lâchement, en passant, au creux de l’oreille, et en disparaissant aussitôt …)  « c’est pas beau, Madame de mentir sur votre état de handicap ».

Nous  étions accablés. Nous, les Blancs, quand nous sommes seuls, n’avons pas l’occasion de vivre de si près cette haine, fruit du racisme. Du coup, un peu plus tard dans la soirée, Kathy, autre membre de notre groupe de copains, se met à me raconter comment toute sa famille a disparu dans les camps de concentration : c’est dire combien notre soirée des sardinades à Port de Bouc se prête plus à ce genre de confidences qu’à une soirée festive : dans une atmophère qui rappelle celle de l’Allemagne nazie à partir de 1933 où le racisme est affiché hostensiblement et cette haine terrorisante de l’autre et de sa différence est devenue banale !

La plus digne et la plus fière d’entre nous a été Fatima, du début à la fin. Quand Marie a voulu sortir sa carte d’handicapée « pour convaincre », elle lui a dit : « laisse tomber, ça ne sert à rien ! c’est rentrer dans leur jeu »

Cette jeune et grande femme voyait « au-dessus » dans une position de force de caractère, de noblesse et de grandeur d’âme. Quant aux enfants, ils ont été choqués. Comment peut-on leur demander d’aimer la France ?

Marie a été plusieurs fois au bord des larmes, car nous les autres Blancs du groupe, tout aussi Français, que ce que se prétendent ces habitants de Port de Bouc, avons été considérés comme « contaminés » par cette présence à nos côtés de nos amis Comoriens et c'était au sens propre "insupportable".

Dans cette ambiance de délire collectif, tout est contaminé, tout est fou. Les valeurs disparaissent : par exemple le respect pour les faibles, pour les handicapés. 

Les sardines et les fruits de mer des sardinades,  n’avaient plus de goût. Ils étaient forts indigestes.

Nous avons terminé notre soirée "au glacier Créole", non loin de là où une charmante serveuse espagnole s'est mise en quatre pour nous installer tous les 12 ensemble :  nous nous sommes sentis enfin à nouveau dans un monde chaleureux et humain.

Sans solidarité ni fraternité, il n’y a plus de manifestation festive, il n’y a plus de France non plus d’ailleurs.

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