Billet de blog 31 octobre 2011

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Une première à Aix : les élus de l'opposition mobilisent l'opinion

Contre la politique de stigmatisation des étrangers de la majorité municipale d'Aix-en-Provence, un collectif d'associations, de partis et d'élus de l'opposition s'est constitué à l'initiative de la Ligue des droits de l'Homme et d'Hervé Guerrera, élu municipal, membre du « Partit Occitan ».

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Contre la politique de stigmatisation des étrangers de la majorité municipale d'Aix-en-Provence, un collectif d'associations, de partis et d'élus de l'opposition s'est constitué à l'initiative de la Ligue des droits de l'Homme et d'Hervé Guerrera, élu municipal, membre du « Partit Occitan » . Ce collectif a organisé un Cercle de silence exceptionnel le 26 septembre 2011 devant la Mairie d'Aix-en-Provence. Le Conseil Municipal avait voté le 27 juin 2011, un libelle rendant responsables d'une montée de l'insécurité à Aix, à la fois les immigrés, la liberté de circulation à l'intérieur de l'Europe (espace Schengen) et le déplacement de la délinquance marseillaise vers les communes environnantes. Avec l'arrêté anti-mendicité de Marseille, on le voit, les thèmes sécuritaires ont de beaux jours devant eux lors des prochaines campagnes électorales.

« Cent paroles » a demandé à Hervé Guerrera son analyse des motivations de la maire et de la majorité du conseil municipal, pour entreprendre une croisade tonitruante de ce type (gage donné à Nicolas Sarkozy ou à la droite identitaire de l'UMP, guerre intestine avec Jean Claude Godin le maire de Marseille, et localement la peur d'une montée du Front National susceptible de capter des suffrages ?). Nous avons souhaité aussi qu'Hervé Gurrera nous indique les suites éventuelles de cette initiative.

Ci- dessous le texte que nous a transmis Hervé Guerrera

Un cercle de silence exceptionnel à Aix-en-Provence

Analyses & perspectives

Dans une adresse à Nicolas SARKOZY, votée en conseil municipal du 27/06/2011, la majorité municipale écrivait « Aix-en-Provence est la victime [d'une délinquance accrue] et cette recrudescence s'explique en partie aussi par la sécurité renforcée apportée à Marseille. Une sécurité légitime mais qui contraint la délinquance phocéenne à émigrer sur les territoires limitrophes, dont celui d'Aix-en-Provence »

En réponse à cette provocation de la Mairie d'Aix-en-Provence qui demandait également de rétablir les frontières intérieures de l'Europe aux motifs qu'en ces temps de non normalité nous n'aurions pas la possibilité « d'intégrer massivement des peuples, avec leur passé, leurs traditions et leur mode de vie » et après le vote contre des conseillers municipaux d'opposition, les protestations de la Ligue des Droits de l'Homme, un collectif aixois s'est constitué.

Appel d'un collectif aixois au nom d'une vision solidaire de la ville d'Aix

Composé des partis de gauche, des conseillers municipaux d'opposition, d'écologistes, d'alter mondialistes et de militants des droits de l'homme ce collectif a appelé à un cercle du silence exceptionnel pour dénoncer cette provocation de la Mairie. Largement relayé par la presse locale cet appel a permis de rassembler, au nom d'une vision solidaire de la ville d'Aix-en-Provence, environ 250 personnes qui ont fait cercle devant la Mairie Centrale le jour du conseil municipal du 26 Septembre 2011. Dans la dignité mais avec beaucoup de fermeté de très nombreux aixois sont venus ainsi condamner la politique du bouc émissaire de la ville.

Alors que la discussion avait été très véhémente lors du vote de la motion en conseil, ce coup-ci Maryse JOISSAINS n'a pas frontalement réagi à notre initiative. Elle s'est bornée à dire : « Il faut s'en tenir au texte, cette motion est une prise en compte de l'exploitation des enfants dans des réseaux de mendicité. Rien de plus ». C'était oublier qu'en Juin les positions étaient très tranchées. J'étais intervenu en leur disant : « Au nom d'un intérêt électoral vous désignez des boucs émissaires et mélangez votre idéologie de l'Europe des Nations avec des faits non quantifiés. ». Mes déclarations ont été accueillis par une bordée de sifflets et se sont mélangées les accusations d'angélisme, d'irresponsabilité, de gauchisme...

Une campagne sous le signe des logiques sécuritaires agitées par le pouvoir central

Clairement l'UMP, qui est en campagne électorale pour 2012, essaie de reconquérir les voix retournées au Front National. On le voit dans les logiques sécuritaires agitées par le pouvoir central, les récentes expulsions ou autres tramways de la honte et l'actuel déferlement policier sur le centre ville de Marseille où des dizaines de CRS sont affectés à la garde du rond point de la porte d'Aix. Nicolas SARKOZY désireux de faire oublier ses échecs économiques, son acharnement à détruire notre système de protection sociale, veut nous rejouer 2007. Ses soutiens aixois ne cherchent pas autre chose.

La terre de Provence s'est bâtie avec l'apport de générations d'émigrés

En allant au-delà et si on n'analyse plus finement le texte de la motion une autre phrase mérite d'être mise en exergue : « Dans le cas des déséquilibres entre pays du Sud, pays de l'Est et Europe, ce système [de frontières ouvertes] est décalé par rapport aux réalités du monde ». C'est une stratégie de choc de civilisation qui est recherchée. En grossissant le trait, mais pas tant que ça, on pourrait dire que les « bons occidentaux », installés dans leur démocratie, sont agressés par les puissances du Sud et de l'Est. Et que notre organisation sociale et politique serait non compatible avec les modèles développés à l'Est ou de l'autre côté de la méditerranée. De là à conclure que mafieux, miséreux et islamistes radicaux fleurissent à l'Est et au Sud alors que nous serions un modèle de vertu il n'y a qu'un pas que la motion fait plus qu'esquisser.

Écrire de telles choses c'est nier notre histoire. La Provence est une terre méditerranéenne et la démocratie nous vient de l'Est. Dans l'histoire personne n'a le monopole de la tolérance surtout pas ce qui pourrait être nommé l'Occident inquisitorial. Cette terre de Provence s'est bâtie avec l'apport de générations d'émigrés. Aux confins de toutes les influences y compris religieuses, au cœur de cette Méditerranée l'histoire de la Provence se confond avec celle de ceux qui, venus d'ailleurs, se sont installés sur son sol. Aujourd'hui désigner l'autre, l'étranger, stigmatiser n'a strictement aucun sens. A l'inverse et par le modèle de sociabilité ancestral développé autour du forum, de l'agora, de la place nous devons réinventer le vivre ensemble. Par la tolérance et la laïcité, nous pouvons donner du sens à une citoyenne ouverte, pratiquer une politique de main tendue. Par le partage des langues et des cultures et par cette méditerranée qui nous rassemble nous devons vivre nos différences comme autant de richesses et les mettre dans un destin commun à inventer ensemble.

Quels moyens pour combattre la délinquance ?

Si on entre dans les enjeux locaux de cette motion, on voit une nième déclinaison de la guéguerre stérile que se livre Aix et Marseille depuis des années. Maryse JOISSAINS qui n'en est pas à son premier conflit avec Jean-Claude GAUDIN, jalouse les moyens policiers mis à Marseille par l'État. Elle considère, eu égard à la concentration phocéenne des forces de police, que les autres territoires sont oubliés. Et elle brandit à l'envie des pourcentages d'augmentation toujours plus forts. Mais ce qui n'est jamais précisé c'est d'une part d'où vient cette délinquance, puisqu'elle l'accuse d'être marseillaise, quel moyen se donne t-elle pour étayer son hypothèse ? Mais également et surtout quels moyens met on en œuvre pour la combattre.

Or les divergences sont très fortes à ce niveau avec Maryse JOISSAINS. La délinquance se combat par l'avancée des services publics, par l'action quotidienne de médiateurs et de policiers, par une justice humaine dotée de moyens, par le recul du chômage, par l'éducation, l'animation sportive, culturelle et festive. Investir massivement dans la vidéo surveillance comme le fait la ville d'Aix-en-Provence est inutile, dangereux et coûteux. Inutile car inefficace. Rien ne remplace l'humain et la présence de la police de proximité. Dangereux car en cas d'agression une caméra ne pourra rien pour vous. Coûteux car chaque millier d'euros investis dans l'électronique se fait au détriment de la présence sur le terrain.

Quelle suite donner à ce mouvement ?

Le positif de cette affaire réside dans le fait que les élus d'opposition, les associatifs mais bien au-delà tous les humanistes qui ne se reconnaissent pas dans ces inutiles et dangereuses rodomontades se sont rassemblés et continuent ce travail commun. Sont notamment sur la table, mais rien n'est encore arrêté parce que nous prendrons le temps de la co-construction et la co-décision, une charte des valeurs de notre collectif contre les violences faites aux Roms et aux plus démunis ainsi qu'une série, et c'est très important, d'actions de solidarité concrètes.

Citons l'exemple de l'espace d'hébergement solidaire pour les ROMS, à Marseille établi notamment par la fondation Abbé Pierre avec le soutien du conseil régional. Il s'agira donc de travailler à des conditions d'accueil décentes, des dispositifs d'accompagnement pour la santé, pour la scolarisation et la formation. Nous serons accompagnés dans cette tâche par les élus aixois de la région et du département qui interviennent sur ces thématiques. Au-delà peuvent être prévus des concerts de soutien, des actions festives et autres colloques pour apprendre à mieux se connaître et à plus partager. Toutes ces actions s'inscrivant dans le long terme, nous souhaitons vivre dans une société du partage, de l'échange du respect et de la dignité due à tout être humain.

Hervé GUERRERA

Partit Occitan

Conseiller Municipal d'Opposition

Conseiller Régional

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