Billet de blog 18 septembre 2020

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Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

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L’enfermement iranien des femmes et des adolescent-e-s

Autour de ses films documentaires, Mehrdad Oskouei donne à voir et entendre une société iranienne mise délibérément en marge, qu’il s’agisse des femmes se suicidant ou des adolescentes et adolescents dans des centres de privation de liberté.

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Illustration 1
"Les Derniers jours de l’hiver (Akharin Rouzhaye Zemestan, 2012) de Mehrdad Oskouei © Doriane Films

Sortie DVD : Quatre films écrits et réalisés par Mehrdad Oskouei

Cette édition DVD de Doriane réunit 4 films documentaires de Mehrdad Oskouei laissant la place devant sa caméra à un Iran méconnu. Le réalisateur est animé par une nécessité tenace de saisir la vie là où elle se trouve dans les situations les plus désespérantes pour encourager l’espoir. Ainsi, cela commence avec son court métrage La Maison de ma mère, lagon (Khaneye madari'am,Mordaab, 1999) où une femme âgée se démène seule pour pêcher quelques poissons et faire vivre sa mère luttant contre la plus grande précarité, dans De l’autre côté de la burka (Az pase borghe, 2004) sur l’île de Qechm au sud du Liban au bord du Golfe Persique, il filme les femmes dont certaines, face à des restrictions de liberté sans commune mesure à leur égard par rapport au reste du pays, se suicident, dans Les Derniers jours de l’hiver (Akharin Rouzhaye Zemestan, 2012) il suit des garçons préadolescents incarcérés en manque d’affection et d’horizon et pour continuer cette thématique le réalisateur se rend avec Des rêves sans étoiles (Royahaye dame sobh, 2016) dans un centre de réhabilitation pour adolescentes détenues pour des crimes allant de l’homicide d’un père abusif au trafic de drogue. Il faut de la patience et une volonté de fer de la part de Mehrdad Oskouei pour obtenir les autorisations de filmer dans des lieux que le pouvoir en Iran n’est guère enclin à mettre au jour, préférant idéologiquement condamner les personnes qu’il a désigné comme « mauvaises » sans opportunité pour elles de s’intégrer dans le reste de la société, qu’il s’agisse de ces adolescent-e-s perdu-e-s en quête de rêve et de communauté humaine capable de leur apporter l’affection dont elles-ils sont privé-e-s, comme de toutes ces femmes derrière leur burqa et ce masque plaqué sur leur visage couvrant leurs sourcils, leur nez et la moitié de leur bouche comme si elles étaient en liberté surveillée.
Face à la situation inique de ségrégation notamment à l’égard de la moitié de la population, féminine, comme du défaut d’accompagnement de ces enfants qui n’ont pas eu d’opportunités en naissant dans un milieu où la drogue a détruit tout espoir de vie, Mehrdad Oskouei filme à la hauteur de chacun de ses protagonistes, femmes, enfants, personnes âgées, adultes pour rappeler au reste de la société ces citoyens auxquels la liberté d’exprimer leurs rêves comme leurs droits n’est plus permise. Il faut voir ainsi l’ensemble des films du cinéaste pour saisir patiemment les enjeux d’une société fonctionnant à vitesses multiples. Nul besoin alors d’aller frontalement interroger les responsables des institutions comme dans les deux films consacrés aux centres de détentions pour adolescent-e-s où les adultes sont laissés hors-champ à l’exception d’un imam mais avec lequel le dialogue face caméra n’est pas nécessaire. Les hommes veufs désespérés du suicide de leur épouse, contraints dans le plus grand dénuement de s’occuper de leurs enfants dans De l’autre côté de la burka révèlent aussi toute l’aberration d’un cadre liberticide. Néanmoins, la parole est laissée en priorité aux femmes sous les burqas et aux adolescent-e-s privé-e-s de liberté pour rendre légitime leur lutte pour leur dignité et le rêve d’une vie plus juste.

Illustration 2

Des rêves sans étoiles
Royahaye dame sobh
de Mehrdad Oskouei

Iran, 2016.
Durée : 76 min
Sortie en salles (France) : 20 septembre 2017 


Les Derniers jours de l’hiver
Akharin Rouzhaye Zemestan
de Mehrdad Oskouei
Iran, 2012.
Durée : 52 min
Sortie en salles (France) : 21 novembre 2012


De l’autre côté de la burka
Az pase borghe
de Mehrdad Oskouei
Iran, 2004.
Durée : 52 min


La Maison de ma mère, lagon
Khaneye madari'am,Mordaab
de Mehrdad Oskouei
Iran, 1999.
Durée : 29 min



Sortie France du DVD : 28 juin 2019
Couleur
Langue : farsi - Sous-titres : français.
Éditeur : Doriane Films

Bonus :
Entretien avec Mehrdad Oskouei (5 minutes 30 s, 2012)
Livret illustré de 12 pages

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