Billet de blog 9 octobre 2024

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Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

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Berck-sur-Mer 2024 : "Nous nous sommes tant aimés" d'Ettore Scola

Trois amis qui ont combattu ensemble contre le fascisme vont tour à tour tombé amoureux d'une même femme et se confronter politiquement à leurs propres convictions politiques dans l'Italie du boom économique à partir de la Libération.

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Illustration 1
Nous nous sommes tant aimés C'eravamo tanto amati d'Ettore Scola © DR

Film de la section « Ariane Ascaride invitée d'honneur » de la 20e édition de Cinémondes, Festival International du film Indépendant de Berck-sur-Mer 2024 : Nous nous sommes tant aimés d'Ettore Scola

Ariane Ascaride, invitée d'honneur du festival de la 20e édition de Cinémondes, Festival International du film Indépendant de Berck-sur-Mer, après avoir généreusement partagé dans une causerie animée par Caroline Vié sa passion pour l'interprétation au cinéma à travers des scénarios inspirés, a choisi au sein de sa carte blanche Nous nous sommes tant aimés (C'eravamo tanto amati) d'Ettore Scola comme déclaration d'amour au cinéma italien, ressource inépuisable de plaisir de la cinéphilie.

Le scénario toujours finement élaboré en complicité avec Age-Scarpelli a l'ambition de saisir à la fois une fresque sur trois décennies de l'Italie et de son histoire politique et sociale tout en associant un dialogue constant entre les deux. Les acteurs principaux sont au point d'orgue de ce film dans un trio où se démarquent Nino Manfredi et Vittorio Gassman dans des personnages aux destinées sociales antithétiques qui représentent deux voies de l'évolution économique italienne à travers la trahison de l'engagement politique qui avait mis fin au fascisme. Le film est ainsi une réflexion rétrospective, comme une pause littérale avant le grand saut à l'heure où dans les années 1970 le libéralisme triomphant commence à imposer son pouvoir, notamment à travers la place médiatique de la télévision et alors que les studios de Cinecitta commencent à s'essouffler dans leurs productions.

Véritable hommage à Vittorio De Sica décédé l'année de la sortie du film de Scola, Nous nous sommes tant aimés rappelle tout à la fois la place de Voleur de bicyclette (Ladri di biciclette, 1948) comme figure iconique du néoréalisme, tout en convoquant implicitement Roberto Rossellini avec une courte séquence de guerre rappelant Païsa (1946) ainsi que la présence inoubliable de l'acteur Aldo Fabrizi ici en incarnation décomplexée du capitalisme crapuleux après avoir été la figure du prêtre résistant sacrifié dans Rome, ville ouverte (Roma città aperta, 1945). La Dolce vita (1960) de Fellini s'invite au film dans une séquence savoureuse où Fellini et Mastroainni eux-mêmes jouent leur propre rôle non sans le sens de l'auto-dérision, ainsi que L'Éclipse (L'Eclisse, 1962) de Michelangelo Antonioni comme symptôme de l'incommunicabilité de la femme bourgeoise enfermée dans le rôle de la femme objet. Ainsi, l'histoire du cinéma s'invite comme outil majeur pour singulariser les différents moments de la société et de la crise de ses valeurs caractérisée dans les années 1970 en arrière-plan par les années de plomb.

Tourné autour d'une amitié masculine incarnée par des acteurs savoureux dans leur composition où l'humour vient davantage des situations réflexives avec des personnages commentant leurs situations dans des rôles dramatiques avec une autodérision sarcastique qui ne quitte jamais la tonalité du film. Les femmes dans des rôles secondaires n'incarnent pas moins des figures tragiques, battues au gré des situations dans un monde résolument patriarcal dont la critique de Scola sans en faire aucunement un film féministe, impose une critique des masculinités veules. Ce chef d'œuvre du cinéma italien est ainsi nourri par son récit gigogne tout autant que par sa capacité à saisir sous la forme d'un testament une fresque historique inoubliable.

Nous nous sommes tant aimés
C'eravamo tanto amati
d'Ettore Scola
Fiction
124 minutes. Italie, 1974.
Couleur
Langue originale : italien

Avec : Nino Manfredi (Antonio), Vittorio Gassman (Gianni Perego), Stefania Sandrelli (Luciana Zanon), Stefano Satta Flores (Nicola Palumbo), Giovanna Ralli (Elide Catenacci, fille de Romolo), Fiammetta Baralla (Maria), Aldo Fabrizi (Romolo Catenacci), Federico Fellini (lui-même), Marcello Mastroianni (lui-même), Vittorio De Sica (lui-même), Mike Bongiorno (lui-même), Isa Barzizza (Elena), Nello Meniconi (Nello Meniconi), Guidarino Guidi (Guidarino Guidi), Pierluigi (Pierluigi), Alfonso Crudele (Edoardo), Isa Barzizza (Elena), Marcella Michelangeli (Gabriella), Livia Cerini (Rosa), Elena Fabrizi (Anna Catenacci), Fiammetta Baralla (Maria Catenacci), Dino Curcio (Palumbo), Carla Mancini (Lena), Lorenzo Piani (Enrico)
Scénario : Age-Scarpelli et Ettore Scola
Images : Claudio Cirillo
Montage : Raimondo Crociani
Musique : Armando Trovajoli
Son : Vittorio Massi
Décors : Luciano Ricceri
Assistant réalisateur : Giorgio Scotton
Costumes : Luciano Ricceri
Coiffurte : Renata Magnanti
Maquillage : Giulio Natalucci, Goffredo Rocchetti
Scripte : Silvio Ferri
Production : Pio Angeletti et Adriano De Micheli
Sociétés de production : Dean Cinematografica Delta, Dean Film, Delta Film, La Deantir
Distribution (France) : Tamasa distribution
Sortie salles (France) : 5 mai 1976

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