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Sortie Blu-ray : Salon Kitty de Tinto Brass
Le cinéma que Tinto Brass réalise dans les années 1970 appartient autant à la personnalité de son auteur qu'au contexte de production italien. Ainsi, ce film qui allait lancer toute une vague de production de films classés par la suite sous le terme naziploistation, bénéficie de moyens de production comme d'intentions auteuristes ambitieux. Il y avait évidemment des précédents à cette vague dont Tinto Brass s'inspira largement dans ses choix de mise en cène, notamment du côté de Luchino Visconti et ses Damnés (La caduta degli dei, 1969) dont il reprend d'ailleurs deux de ses interprètes principaux, à savoir Ingrid Thulin et Helmut Berger. De l'enjeu opératique et dramatique de Visconti, Tinto Brass préfère une reconstitution baroque avec une interrogation plus politique des enjeux de pouvoir et de la lecture de l'Histoire.
Avec de telles ambitions, il n'hésite pas à solliciter pour la création de ses décors Ken Adam, qui sortait d'intenses collaborations avec Stanley Kubrick sur Barry Lyndon (1975). La sollicitation d'une époque historique précise, symbole absolu de la perversion du pouvoir qui a pu toucher toute une population jusqu'à l'entraîner dans une guerre mondiale dont les conséquences continuent à structurer le monde moderne, parfois pour le meilleur dans une logique de réparer les traumatismes mais aussi pour le pire quand cette mémoire est soumise au déni.
Le nazisme n'est pas ici un prétexte à développer un regard lubrique et voyeuriste auprès de son public mais se construit plutôt dans une continuité critique du pouvoir, à l'image de la représentation des perversités sexuelles dans Belle de jour (1967) de Luis Buñuel mais aussi avec Salò ou les 120 Journées de Sodome (Salò o le centoventi giornate di Sodoma, 1975) réalisé au même moment par Pier Paolo Pasolini. Tinto Brass démontre la perversité au cœur de l'intimité des dignitaires nazis comme force pathogène qui permet et favorise l'installation des personnes les plus toxiques. Il se trouve qu'Helmut Berger par son attitude résolument Camp, toute en ambiguïté, est la personne clé rêvée pour incarner le monstre nazi qui se veut metteur en scène de situations où il est à même de retirer la vie à des êtres humains selon son bon vouloir. Dans une mise en scène privilégiant le huis clos, Tinto Brass partage une vision d'une période historique où les individus sont enfermés sur eux-mêmes, victimes et bourreaux mêlés. Son sens de la reconstitution historique est à ce titre pertinent pour questionner la perversion du pouvoir au cœur du pourrissement social marqué par la haine de l'autre.

Salon Kitty
de Tinto Brass
Avec : Helmut Berger (Helmut Wallenberg), Ingrid Thulin (Kitty Kellermann), Teresa Ann Savoy (Margherita), John Steiner (Biondo), Sara Sperati (Helga, la dominatrice), Maria Michi (Hilde), Rosemarie Lindt (Susan), Paola Senatore (Marika), John Ireland (Cliff), Tina Aumont (Herta Wallenberg), Alexandra Bogojevic (Gloria), Dan van Husen (Rauss), Ullrich Haupt (le professeur), Stefano Satta Flores (Dino), Bekim Fehmiu (Hans Reiter), Giancarlo Badessi, Luciano Rossi (Dr. Schwab), Gianfranco Bullo (Wolff), Gigi Ballista (le général), Margherita Horowitz (la mère de Margherita), Alain Naya, Clara Colosimo, Maria Rosaria Riuzzi, Malisa Longo, Paola Maiolini, Alena Penz, Loretta Persichetti, Margherita Petrucca, Michele Starck, Alison Swaisland, Tamara Triffez, Patrizia Webley
Italie, Allemagne, France – 1976.
Durée : 129 min
Sortie en salles (France) : 23 juin 1976
Sortie France du Blu-ray : 16 janvier 2024
Format : 1,85 – Couleur
Langues : français, italien - Sous-titres : français.
Éditeur : Sidonis Calysta
Bonus :
un livre écrit par Olivier Père, directeur cinéma ARTE France (60 pages)
Présentation du film par Jean-François Rauger, directeur de programmation de la Cinémathèque Française)
« Inside Salon Kitty » : Interview de Tinto Brass (15’)
« Designing Salon Kitty » : Interview de Ken Adam, chef décorateur du film (18’)
Bande-annonce internationale (4’)
Bande-annonce US (1’30”)