Billet de blog 13 mai 2025

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Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

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"Un amor" d'Isabel Coixet

Une jeune femme dans un village isolé où un propriétaire lui impose une location de maison insalubre. Elle tente de survivre malgré tout et rencontre la proposition dérangeante d'un homme.

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Illustration 1
Un amor d'Isabel Coixet © Arizona édition

Sortie DVD : Un amor d'Isabel Coixet

En adaptant le roman de Sara Mesa, Isabel Coixet trouve une matière dense de récit avec des situations complexes, des personnages inédits à la psychologie marquée par une réalité sociale rude et dense. L'exigence atteinte dans l'ouvrage original trouve ensuite par les choix de la cinéaste une incarnation audacieuse reposant en outre sur un casting composé avec soin, autour de l'implication à la fois de Laia Costa et Hovik Keuchkerian dans les rôles principaux. Le monde rural rude décrit pourrait être celui d'Alain Guiraudie, l'humour en moins et le drame viscéral en plus, le tout interrogeant une quête personnelle au cœur d'une intimité sexuelle.

Le point de vue est ici celui âpre de la jeune Natalia immergée seule et sans attache en dehors de son chien battu, dans une réalité qui lui est étrangère mais qu'elle semble accepter malgré tout comme une punition qu'elle s'inflige, dans un certain masochisme judéochrétien d'un chemin de croix athé. Son parcours empathique suppose qu'elle tente de rééquilibrer des inégalités sociales où elle se sent privilégiée notamment par rapport au vécu des femmes qui ont tenté la parcours périlleux de la migration du continent africain à l'Europe. De son apparence frêle, elle est rapidement mise en confrontation avec l'expression du patriarcat dans sa rudesse toxique la plus oppressive autour de sa première confrontation avec le mépris profond que lui témoigne le propriétaire de son logement délabré.

Digne d'un film d'horreur, avec la plongée d'une jeune femme entourée de multiples prédateurs masculins dont la spécificité est que chacun développe sa propre intrusion dans son monde, Un amor ne perd cependant jamais sa trajectoire d'un réalisme social brut et âpre où l'actrice Laia Costa remarquée déjà dans Cinco lobitos (2022) d'Alauda Ruiz de Azúa (malheureusement inédit en salles en France en dehors du réseau de diffusion alternative que sont les festivals), offre une interprétation complexe tout en retenue, toujours au bord de l'explosion. La tentative de son personnage d'affronter la « montagne » incarnée par un homme qui semble de prime abord l'opposition de tout son être s'inscrit dès lors dans un parcours d'autoflagellation dans un monde patriarcal décomplexé dans sa prise de pouvoir du corps des femmes. Quant à l'amour promis du titre, il est sans cesse interrogé dans le film comme un outil d'inscription au monde quand bien même celui-ci n'aurait rien d'avenant et de bienveillant.

Illustration 2

Un amor
d'Isabel Coixet
Avec : Laia Costa (Natalia), Hovik Keuchkerian (Andreas), Luis Bermejo (Casero), Hugo Silva (Piter), Ingrid García-Jonsson (Lara), Francesco Carril (Carlos), Violeta Rodríguez (Sofia), Tamara Berbés
Espagne – 2023.
Durée : 129 min
Sortie en salles (France) : 9 octobre 2024
Sortie France du DVD : 19 mars 2025
Format : 4/3 – Couleur
Langue originale : espagnol - Sous-titres : français.
Éditeur : Arizona Distribution

Bonus :
Entretien avec la réalisatrice Isabel Coixet

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